Un chercheur et son fandom (8) – Livres d’amitié et photos hors concert de Take That

[Cet article a été publié originellement le 14 mars 2015 sur Syndromemag.]

La chronique de cette semaine vous invite à un voyage dans le passé, plus précisément dans les années 1990, alors qu’un groupe de pop anglais était très populaire, surtout en Europe, et que leurs fans s’échangeaient des lettres pour nourrir leur passion. Cette étude de fans, publiée en novembre 2014, se retrouve dans le journal Popular Music and Society.

À propos de l’auteure
Anja Löbert a étudié la sociologie, les médias ainsi que la musique populaire à l’université Martin-Luther de Halle-Wittenberg (Allemagne) ainsi qu’à l’Institut de musique populaire de l’université de Liverpool (Angleterre). Spécialiste en culture populaire américaine et britannique, elle se consacre à l’écriture journaliste comme le démontre cet article consacré à David Bowie. Elle s’est également intéressée à l’autoreprésentation de Cliff Richard en tant que rédempteur. Sa recherche sur les fans de Take That a fait l’objet d’une exposition à Manchester en juin 2011.

À propos du sujet
Take That est un groupe de pop anglais formé en 1990 par Gary Barlow, Mark Owen, Howard Donald, Jason Orange et Robbie Williams. Après une séparation en 1996, le groupe revient en 2006, sans Robbie Williams. Actuellement, il ne reste que trois membres dans ce groupe : Gary Barlow, Mark Owen et Howard Donald.

À propos de la recherche
438 personnes, majoritairement de sexe féminin, ont répondu au sondage créé par Löbert concernant leur correspondance liée à Take That entre 1990 et 1996. Chaque personne avait en moyenne 25 correspondants et recevait de 8 à 9 lettres par semaine en provenance du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Italie ou d’autres pays, principalement européens. Pour se faire de nouveaux correspondants, la plupart de ces fans utilisait trois méthodes : la rencontre en personne (ex. : lors d’un concert), les annonces dans les magazines pour ados et les livres d’amitié (friendship books ou FBs).

Les livres d’amitié sont de petits livres faits maison pouvant être envoyés par la poste. Sur la première page du livre, une fan de Take That pouvait inscrire son nom, son adresse, son âge, son membre préféré du groupe, ses intérêts, mais aussi les objets de collection qu’elle souhaite recevoir par troc. Le livre était ensuite transmis à ses correspondants, qui pouvaient le remplir à leur tour. Selon Löbert, le livre d’amitié répond à au moins quatre buts. Le premier est de rencontrer de nouveaux correspondants, bien avant l’utilisation répandue d’Internet et des médias sociaux. Le deuxième permet de connaître les objets que les correspondants souhaitaient échanger, qu’il s’agisse de posters, d’entrevues sur VHS ou de photos du groupe. Le troisième offre la découverte de nouveaux champs d’intérêt, comme d’autres groupes de musique. Enfin, le quatrième est l’expression de soi, puisque chaque correspondant peut décorer sa page d’un livre d’amitié à l’aide de stylos de couleurs différentes ou de brillants.

La recherche de Löbert se penche particulièrement sur les échanges de photos du groupe prises par les fans en dehors des concerts, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur d’un hôtel, dans une station de télévision, voire même à l’extérieur de leur résidence privée. Ces photos sont les objets les plus en demande par les correspondants, car non seulement elles sont considérés rares, mais elles dégagent aussi une aura d’authenticité pouvant substituer une rencontre en personne avec les membres du groupe. Afin de préserver cette aura, mais aussi afin de respecter leur travail, les fans ayant envoyé ces photos à leurs correspondants leur demandait de ne pas copier ces photos, demande qui était parfois enfreinte.

Pour ceux qui se demandent comment des adolescentes pouvaient envoyer près de 40 lettres par mois sans se ruiner, la réponse était simple : elles trichaient. Grâce à un procédé appliqué sur les timbres, les correspondants pouvaient effacer les traces d’encre sur les timbres et les renvoyer à leur expéditeur. Pour en savoir plus sur cette étude, vous pouvez la consulter à l’adresse suivante : http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03007766.2014.975032#.VQCm9OHcjf0