Les salons du livre ou les relations entre auteurs et lecteurs

L’édition 2014 du Salon du livre de Montréal a été ma toute première expérience en tant qu’auteure. Si ce n’était pas de la présence de mes amies qui sont venues m’encourager, je dois admettre que je me serais ennuyée un peu durant la séance de dédicaces. Cependant, je ne suis pas la seule à avoir vécu une telle situation.

La semaine passée, Émilie Folie-Boivin consacra un article en lien avec la sortie du livre Passez au salon. 150 anecdotes de salons du livre. L’article donne plusieurs exemples vécus d’auteurs en lien avec les files de lecteurs, comme celui de l’illustratrice Elise Gravel.

« T’es assis et tu souris dans le vide en espérant que les gens passent. Pis t’es humilié, avoue l’illustratrice connue pour ses petits monstres. C’est difficile de ne pas te comparer et de te convaincre que t’es pas une nobody, quand t’es assis à côté d’une superstar qui a 300 personnes devant elle. » (Source)

Bien que les auteurs ne soient pas égaux face à la popularité, la séance de dédicaces leur permet une chance d’inouïe d’entrer en contact avec leurs lecteurs. En 2010, Adeline Clerc s’est penchée sur l’analyse de la dédicace en se basant sur le salon du livre de Nancy. Plus qu’une signature, la dédicace témoigne de la rencontre entre l’auteur et le lecteur.

Sept lecteurs évoquent spontanément ces moments particuliers qui consistent à relire, quelque temps après la rencontre, la dédicace d’un auteur : « Ça peut m’arriver de relire la dédicace, notamment quand l’auteur est décédé. C’est vrai. J’ai son livre et je vais regarder ce qu’il m’a écrit et là, c’est de nouveau un souvenir qui revient. J’essaie de resituer dans l’espace si c’était une dédicace à la Fnac ou dans un salon du livre, quel était le contact et le contexte. Je relis aussi la dédicace quand on est amené à parler d’un auteur. Dans ce cas, je ressors le livre et je regarde ce qu’il m’a écrit, ce qu’il m’a dédicacé à l’époque. Voilà ce genre d’interpellations qui vont me faire pencher à nouveau sur la dédicace » (entretien, homme, 19 septembre 2009). (Clerc, 2010, p. 35)

L’année suivante, Clerc termina la rédaction de sa thèse en sciences de l’information et de la communication à propos du salon du livre de Nancy. Plusieurs éléments furent examinés, incluant l’analyse du public et l’évolution de la figure de l’écrivain, pour revenir ensuite à l’essentiel d’un salon du livre.

À l’instar de la dédicace qui est passée du stade de l’exception à celui de pratique quasi rituelle, la présence de l’auteur est devenue un dû auquel chaque lecteur estime avoir droit. Cette recherche apprend donc que le salon est le lieu où la figure et le statut de l’auteur sont mis à l’épreuve, qu’un glissement s’opère de l’auteur à la personne privée, mais aussi que la dédicace – comme trace, situation de communication et prolongement de la médiation – ne se réduit pas à un artifice. Au contraire, cette dernière est une pratique et un signe hautement symboliques qui, si l’on ne prend pas le temps de s’y arrêter, ne permet pas de comprendre qu’elle puisse être la clé de voûte des salons du livre. (Clerc, 2011, p. 411)

En conclusion, malgré la brièveté de ma présence, je suis satisfaite de ma participation au Salon du livre de Montréal. Comme l’a indiquée une de mes amies, je suis passée « de l’autre côté du Salon du livre », mais je reste néanmoins une lectrice. Après tout, les auteurs sont avant tout des lecteurs et des fans, à l’instar d’un George R. R. Martin de 15 ans écrivant une lettre à Stan Lee et Jack Kirby.

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