Un chercheur et son fandom (1) – Les fansubbers chinois

[Cet article a été publié originellement le 10 janvier 2015 sur Syndromemag.]

Pour inaugurer cette nouvelle chronique, nous allons aborder un sujet qui vous est sûrement familier, surtout si vous consommez des séries télévisées dans une langue étrangère : le fansubbing ou le sous-titrage de produits médiatiques étrangers réalisé par des internautes bénévoles. L’étude mise en valeur cette semaine provient d’un mémoire de maîtrise déposé à l’Université de Montréal en 2014.

À propos de l’auteure
L’auteure de ce mémoire, Xiao Liu, se considère comme une étudiante de langue étrangère et amateur d’Internet, mais surtout comme une grande consommatrice de dessins animés japonais et de drames télévisés américains. Elle estime écouter régulièrement des vidéos fansub en ligne depuis une dizaine d’années. Elle est également membre d’un groupe de fansub chinois-français, le Fansub Yueyue.

Au niveau académique, elle a été membre du Centre universitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST) et a publié un article sur l’engagement publique lors d’une recherche menée par l’Observatoire Naturaliste des Écosystèmes Méditerranéens (ONEM).

À propos du sujet
Le fansubbing remonte bien avant l’ère 2.0 d’Internet. Selon plusieurs chercheurs, cette activité a commencé au début des années 1980, lorsque les premiers clubs d’animes aux États-Unis furent créés. Cependant, ce sont l’avènement de l’ordinateur personnel et d’Internet qui ont accéléré ce mouvement.

En Chine, on considère que le fansub a connu un développement rapide durant la dernière décennie. Ce phénomène aurait permis d’ouvrir la vision des Chinois par rapport au reste du monde, par exemple en donnant accès aux séries télévisées américaines et coréennes. La série américaine Prison Break connaît d’ailleurs une grande popularité dans ce pays. De nos jours, certains groupes de fansub chinois préfèrent sous-titrer des vidéos de cours universitaires ouverts afin de ne pas bafouer les droits d’auteurs.

Le groupe de fansubbers étudié par Liu est le sien, soit Fansub Yueyue, fondé le 27 octobre 2011 et spécialisé dans la fabrication de sous-titres bilingues chinois. Son fonctionnement est plutôt simple. Selon les recherches, il existe sept étapes pour sous-titrer une vidéo : le « raw », la traduction, la révision, la synchronisation, l’incrustation, l’encodage et la diffusion. Dans l’exemple illustré par Liu, son groupe de fansub a sous-titré le film Un Monstre à Paris en un mois, dans lequel chaque transcripteur-traducteur s’occupait chacun d’un segment d’une longueur d’environ 10 minutes. Les consommateurs des vidéos de Fansub Yueyue apprécient particulièrement le dynamisme de la traduction.

À propos de la recherche
Selon l’auteure, l’apprentissage d’une langue étrangère est un aspect peu étudié auprès des groupes de fansub. En se basant sur le cadre théorique des communautés de pratique ainsi que les traces électroniques des activités du Fansub Yueyue (courriels, textes de messageries instantanée, messages concernant le groupe, etc.), ses observations directes ainsi que ses entrevues avec une dizaine de membres du groupe, Liu parvient à fournir une réponse à la question suivante : « Est-ce que le fait de travailler dans un fansub influence l’apprentissage de langues des fansubbers et, si oui, comment ? »

En résumé, les membres du Fansub Yueyue estiment avoir fait des progrès dans quatre aspects de la langue : la compréhension orale, le vocabulaire, l’expression orale et écrite et la méthode d’apprentissage du français. Cependant, ils croient qu’une participation occasionnelle au sous-titrage des films aide peu : seule une pratique constante permet d’améliorer l’apprentissage d’une langue. Fait particulier : les membres de ce groupe, étant motivés par l’amélioration du français, affichent une certaine indifférence envers le contenu du film à traduire, contrairement aux groupes sous-titrant les séries télévisées américaines ou les animes japonais.

Pour en savoir plus sur cette étude, vous pouvez la consulter à l’adresse suivante : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/11011