[Cet article a été publié originellement le 21 février 2015 sur Syndromemag.]
Cette semaine, nous nous intéressons à une récente étude publiée dans l’International Journal of Behavioral Science. Le sujet de cette étude est en lien avec les mangas, ou plutôt, une communauté particulière de fans de mangas.
À propos des auteures
Hiromi Tanaka est professeure agrégée en information et communication à l’université Meiji (Tokyo, Japon). Sociologue, elle s’intéresse à la théorie du changement sociétal, à la sociologie globale ainsi qu’à la sociologie du genre (Source). Parmi ses publications les plus récentes, nous retrouvons une étude sur les femmes célibataires travaillant à Hong Kong ou à Tokyo ainsi qu’un article sur la répartition des tâches domestiques selon le sexe dans les familles japonaises.
Saori Ishida est étudiante au doctorat en information et communication à l’université Meiji (Tokyo, Japon). À notre connaissance, il s’agit de sa première publication.
À propos du sujet
Les Fujoshi, qu’on pourrait traduire par les termes « filles corrompues », ont une préférence pour les mangas de type yaoi et le Boy’s Love. Le terme décrivant ces fans a commencé à proliférer autour des années 2000 avant de devenir un objet de recherche. Une des hypothèses expliquant l’intérêt des filles envers les relations homosexuelles entre hommes serait que la femme, inexistante dans ce couple, n’a pas à occuper un rôle de subordonnée.
À propos de la recherche
Dans leur recherche, Tanaka et Ishida utilisent le modèle encodage/décodage de Stuart Hall ainsi que la notion du flow élaborée par Mihály Csíkszentmihályi afin d’examiner la pratique sociale des Fujoshi. Pour cela, elles ont interviewé sept femmes hétérosexuelles âgées de 20 à 32 entre novembre 2013 et février 2014. La majorité de ces femmes ont commencé à lire du yaoi ou du Boy’s Love durant l’adolescence. La plupart d’entre elles, n’ayant pas encore pleinement internalisé les conventions hétéronormatives, acceptaient naturellement les relations homoérotiques dépeintes dans leurs lectures.
Les auteurs ont retracé deux raisons expliquant l’attrait menant au Fujoshi. La première raison est que ce type de lecture offre une façon différente d’apprécier le manga. Quant à la deuxième raison, il s’agit du plaisir à échanger et à entretenir une amitié avec d’autres Fujoshi, une amitié renforcée par un loisir peu compris par les non-Fujoshi. L’étude des chercheuses a également confirmé le rejet de la passivité féminine dans une relation hétérosexuelle auprès des Fujoshi.
Quoiqu’il en soit, la communauté des Fujoshi est à la fois unie et divisée ; unie par leur cohérence interne en se différenciant des non-Fujoshi, mais aussi divisée par la possibilité d’une compétition dans leur expression artistique (ex. : la production de mangas). De plus, selon les auteurs, les Fujoshi ne cherchent pas à contester les images et les messages sexistes intégrés dans les œuvres originales, allant même jusqu’à utiliser les codes hétéronormatives dans leurs propres œuvres.
Pour en savoir plus sur cette étude, vous pouvez la consulter à l’adresse suivante : http://ejournals.swu.ac.th/index.php/jbse/article/viewFile/4972/4739