Créé en 1903, le Tour de France continue à susciter la passion auprès des fans du cyclisme. Cette année, la compétition débutera à Leeds, dans le Royaume-Uni, le 5 juillet. Plus de trois millions de téléspectateurs suivront les étapes menant au fil d’arrivé de Paris. (Source)
Comment expliquer un engouement pour une compétition datant de plus de cent ans ? Dans Le Tour de France et le vélo: histoire sociale d’une épopée contemporaine, le sociologue Philippe Gaboriau explique que le Tour de France représentait, au moment de sa création, les valeurs industrielles, représentées ici par la bicyclette.
Le Tour de France – fête du vélo – est, historiquement, une fête de vitesse populaire, une fête de conquête : un espace initialement interdit est dominé, bouclé. Cette conquête s’effectue à l’intérieur d’un système imposé et par l’intermédiaire de représentants ascétiques, les coureurs de l’épreuve. (Gaboriau, 1995, p. 16)
Cette conquête, Christopher S. Thompson l’évoque également dans The Tour de France : A Cultural History. Se basant sur ses souvenirs personnels, l’historien raconte comment il a découvert sa passion pour le cyclisme lorsque sa famille a aménagé à Bruxelles en 1971 :
I pored over the sports pages of the Brussels daily Le Soir and each issue of my cycling magazine, gradually piecing together the careers of earlier champions with magical names like Fausto Coppi, Louison Bobet, and Jacques Anquetil. Their exploits had created a heroic mythology that stretched back in time, full of tense rivalries, hardwon victories, and bitter defeats. That légende, I came to understand, was founded on a set of core values : courage, perserverance, the tolerance of pain, and, in the case of the greatest champions, panache. No sport was more grueling and, thus, to the awestruck adolescent sports fan, no group of men more worthy of admiration. With its virtuous heroes, epic moments, and legendary places, cycling was a world of its own. (Thompson, 2006, p. 2)
Or, le Tour de France n’est pas seulement source de héros sportifs. Selon le philosophe, sociologue et écrivain Pierre Sansot, le Tour était également l’occasion de redécouvrir la France. Dans son article « Le Tour de France : une forme de liturgie nationale », il évoque également un retour à l’enfance :
Tandis que je vivais mes Tours de France, je ne vieillissais pas. Je demeurais l’enfant émerveillé qui avait découvert le premier d’entre eux… Les visages des coureurs, l’allure de la caravane se modifiaient, j’étais leur témoin invisible, un regard qui n’avait pas une année de plus. Je me croyais éternel comme la France, comme ces livres d’orthographe, comme ces cours de récréation de l’école laïque, sur lesquels le temps n’avait pas de prise. Le Tour de France ou l’enfance retrouvée à volonté, l’éternel présent. (Sansot, 1989, p. 104)
Lors de notre billet sur le football, nous avons remarqué que les fans de ce sport cherchaient à vivre des émotions. Cela semble également être le cas dans l’évocation de Sansot. Qu’en est-il cependant lorsque nous constatons que les héros que nous avons jadis vénérés ne représentent plus les valeurs sportives que nous chérissons encore ? D’après cet article du Nouvel Observateur sorti en 2012, la plus grande menace du Tour de France n’est pas le dopage, mais… l’ennui !