[Cet article a été publié originellement le 13 juin 2015 sur Syndromemag.]
Notre article de la semaine a été publié dans le plus récent numéro de l’International Journal of Communication. Cette revue scientifique étant publiée annuellement, nous retrouvons une multitude d’articles, dont celui faisant l’objet de notre chronique. Ce dernier, qui se retrouve dans une section spéciale intitulée « Qualitative Political Communication », tentera de démontrer comment la culture populaire peut intéresser les jeunes à la politique.
À propos de l’auteure
Neta Kligler-Vilenchik étudie au doctorat en communication à l’université de Californie du Sud. Diplômée en communication et en sciences politiques à l’université de Tel-Aviv (Israël), elle s’intéresse aux groupes de fans en tant que modèles de citoyenneté ainsi qu’à l’engagement civique des jeunes. Parmi ses récentes publications, nous retrouvons un article sur l’activisme des fans, un article sur le contenu politique posté sur Facebook et un article lié à Kony2012.
À propos du sujet
Pour certains jeunes, les discussions sur la politique semblent créer de la controverse et de la division. S’ils croient ne pas être assez informés pour s’engager dans de telles discussions, c’est surtout le langage des politiciens qui leur semble distant. Selon les travaux de Lance Bennett et de ses collègues, il existerait un modèle de citoyenneté d’auto-actualisation (self-actualizing citizenship), c’est-à-dire un modèle où les intérêts personnels sont partagés à travers un réseau social et où les gens s’engagent dans différentes formes « d’expression citoyenne créative ». Bref, la citoyenneté de ces gens n’est pas motivée par le sens du devoir, mais par la pertinence de la politique dans leur vie quotidienne.
Le groupe faisant l’objet de cette recherche est le « Harry Potter as a Tool for Social Change » (HPTSC), qui a été créé par une activiste de 20 ans. Ce groupe d’étude fait partie d’un chapitre local de la Harry Potter Alliance (HPA), un organisme à but non lucratif fondé en 2005 et investi dans plusieurs causes, dont la littéracie et les droits de l’homme. Pendant six semaines, le HPTSC s’est réuni dans une bibliothèque publique et discutait de la saga d’Harry Potter et de politique une heure par semaine.
À propos de la recherche
Pour cette recherche, Kligler-Vilenchik a assisté aux discussions du HPTSC, a pris des notes et a interviewé certains participants. Lors de l’analyse de ses données, elle a repéré trois mécanismes expliquant comment la culture populaire peut favoriser les discussions politiques : l’élévation (scaling up), l’élargissement de la politique (broadening the political) et la mobilisation (mobilization).
Dans le cas de l’élévation, le HPTSC établit des liens entre Harry Potter et des problèmes politiques. Par exemple, en discutant autour du cas de Sirius Black dans Harry Potter and the Prisoner of Azkaban, le groupe réfléchit sur la peine de mort et la Proposition 34 de la Californie. Une fois le sentiment de confiance établi, le groupe peut également discuter de problèmes politiques sans aucun lien avec Harry Potter : c’est l’élargissement de la politique. Par exemple, il y a eu des moments où le groupe discutait d’identités LGBTQ. Enfin, il y a la mobilisation, c’est-à-dire prendre part à l’action civique, comme manifester pour une cause. Si les invitations à manifester ont eu peu d’écho dans le HPTSC, elles peuvent néanmoins faire accroître le sentiment d’efficacité politique.
En conclusion, Kligler-Vilenchik rappelle que les jeunes ont besoin de trouver une alternative pour s’intéresser à la politique et que lier la politique à leurs passions est une des façons de les intéresser. En quelque sorte, la culture populaire et la communication politique ne sont pas des binaires séparées, puisqu’elles sont toutes deux émotionnelles et symboliques.
Pour en savoir plus sur cette étude, vous pouvez la consulter à l’adresse suivante : http://ijoc.org/index.php/ijoc/article/viewFile/3380/1422