Les Québécois ont une longue histoire d’amour avec leur télévision. Et j’ai bien mentionné « leur télévision », puisque de nombreuses émissions produites dans cette province ont attiré des milliers, voire des millions de Québécoises et de Québécois lors de leur diffusion originale, et même lors des rediffusions.
Dans cet article, je vous présente le résumé et la critique du livre Une histoire de la télévision au Québec.
À propos d’Une histoire de la télévision au Québec
Une histoire de la télévision au Québec est écrite par Sophie Imbeault, avec la collaboration de Stéphane Labbé, et publiée aux éditions Fides en 2020. Spécialiste en histoire politique et fan de la série télévisée Duplessis, Imbeault voit son livre comme « un hommage aux artisans, producteurs, scénaristes, cameramans, décorateurs, réalisateurs, interprètes et journalistes qui ont travaillé, que ce soit dans l’ombre ou à l’avant-scène, à créer et à développer une télévision qui fait aujourd’hui encore la fierté des Québécois et des Québécoises. » (Imbeault, p. 14)
Ce livre, qui compte plus de 530 pages, est divisé en cinq chapitres, qui couvrent près de 70 ans de télévision québécoise. Chaque chapitre aborde les progrès technologiques, mais aussi les changements dans l’industrie de la télévision ainsi que les résumés des principales productions marquantes dans l’imaginaire collectif des Québécois. Le tout est entrecoupé de courtes biographies présentant des personnalités du monde de la télévision ainsi que de capsules informatives « Le saviez-vous? ».
Les débuts de la télévision (1952-1965)
Dans ce premier chapitre, Imbeault raconte les débuts de la télévision au Québec, qui commencent avec Radio-Canada. D’abord société de radiodiffusion, elle s’adapte à cette nouvelle technologie qu’est la télévision. Ainsi, elle devient la première société du Canada à diffuser des émissions de télévision dès 1952.
« Au Québec, les téléspectateurs peuvent voir en moyenne trois heures de télévision par jour. Les émissions pour enfants, qui durent environ 30 minutes, sont d’abord diffusées entre 17 et 18 h. La programmation est ensuite interrompue pendant deux heures et reprend vers 20 h. En décembre 1952, elle s’étend sur près de 24 heures en moyenne par semaine. En 1952-1953, les émissions d’après-midi apparaissent, suivies en 1955-1956, des émissions du matin. Dès 1955-1956, la diffusion est continue entre 17 et 23 h environ. En fin de soirée, les téléspectateurs peuvent enfin entendre l’hymne national et voir la mire avant d’apercevoir la neige sur leur écran jusqu’au lendemain. » (Imbeault, p. 37)
En 1961, une chaîne concurrente s’ajoute : le canal 10, ou Télé-Métropole, qui deviendra TVA beaucoup plus tard : « Le canal 10 tente de se distinguer de Radio-Canada en employant un ton plus populaire. À l’époque, il produit 54 heures d’émissions par semaine, dont 63 % en direct. » (Imbeault, p. 47)
En plus de dix ans, ces chaînes de télévision québécoises vont contribuer à la création d’émissions marquantes, que ce soit des émissions jeunesse (La Boîte à surprise, Bobino, Capitaine Bonhomme), des téléromans (La Famille Plouffe, Les Belles Histoires des pays d’en haut, Le Survenant) des émissions sportives et culturelles (La Soirée du hockey, Soirée canadienne) ainsi que des émissions de variétés, des jeux télévisés (Les Couche-tard, Jeunesse d’aujourd’hui, Tous pour un) ainsi que des émissions d’information, d’affaires publiques et de services (Le Téléjournal, Point de mire).
La télévision québécoise pendant la Révolution tranquille (1966-1979)
La Révolution tranquille est cette période de changements rapides durant laquelle le Québec connaît plusieurs réformes gouvernementales, comme la nationalisation de l’électricité. Dans ce deuxième chapitre, Imbeault rappelle que le milieu de la télévision connaîtra lui aussi une intervention gouvernementale :
« La nouvelle génération d’hommes politiques, dont font partie Jean Lesage, Daniel Johnson et René Lévesque, est bien consciente du potentiel de ce médium. Il y a chez ces politiciens une volonté commune de contribuer à ce que le Québec se démarque dans le domaine télévisuel, d’autant que la télévision américaine se fait plus présente grâce aux satellites. Ceci amène le gouvernement québécois à développer sa propre chaîne de télévision en 1968, Radio-Québec, à des fins éducatives. » (Imbeault, p. 119)
Les décennies 1960 et 1970, c’est aussi l’arrivée des émissions en couleur, l’ajout de nouvelles traditions télévisuelles (Bye bye, Les Beaux Dimanches), le succès populaire de l’émission jeunesse Passe-Partout ainsi que le début des téléséries dans les foyers québécois, comme Duplessis.
Le passe-temps préféré des Québécois (1980-1994)
Dans l’introduction de ce troisième chapitre, l’auteure apporte une anecdote personnelle qui risque de toucher plusieurs personnes de ma génération et celle d’avant :
« Tous ceux qui, comme moi, ont grandi dans les années 1980, s’entendent pour dire que la télévision rythmait littéralement la vie des gens. Les enfants se précipitaient devant le téléviseur à leur retour de l’école pour voir Traboulidon, Le Club des 100 watts ou Watatatow, les adolescents regardaient À plein temps ou Chambres en ville, la mère suivait religieusement ses téléromans tels que Des dames de cœur, L’Héritage ou Scoop, le père ne manquait pas le hockey le samedi soir et toute la famille se réunissait devant Les Beaux Dimanches pour son rendez-vous dominical. Les émissions comme L’Amour avec un grand A, Les Soirées de l’impro, Star d’un soir, Ad Lib, Le Point, Découverte et J.E. étaient également très appréciées du public. Enfin, la décennie a vu se multiplier les téléthons, dont plusieurs animés par Serge Laprade. Les années comprises entre 1980 et 1994 constituent assurément une période charnière pour la télévision québécoise, une sorte d’âge d’or pour les téléspectateurs et les producteurs. » (Imbeault, p. 213-214)
Pendant les décennies 1980 et 1990, d’autres transformations bouleversent le milieu de la télévision québécoise. Ce n’est pas seulement l’arrivée du magnétoscope et des cassettes VHS, mais aussi la multiplication des réseaux : Télévision Quatre-Saisons (TQS), Télé-Université, MusiquePlus, TV5, Canal Famille, MétéoMédia, Réseau des sports (RDS). Le contenu se diversifie.
L’histoire se vit en direct : l’arrivée des chaînes en continu (1995-2006)
L’année 1995 est celle de la mise en ondes du Réseau de l’information (RDI), une chaîne de Radio-Canada diffusant des nouvelles canadiennes et internationales en continu. De son côté, TVA lancera Le Canal Nouvelles (LCN) en 1997. Entre-temps, Radio-Québec devient Télé-Québec en 1996.
Durant cette période, d’autres chaînes vont s’ajouter : Canal D, MuxiMax, Canal Vie, Télétoon, Global, Canal Évasion, Historia, Séries+, canal Z, ARTV, Mystère, ARGENT, Réseau Info-Sports, Prise 2 et Cinépop.
C’est également au tournant des années 2000 que la téléréalité fera son envol, comme le décrit Imbeault :
« La première téléréalité au Québec est diffusée à Télé-Québec en 1995. Il s’agit de Pignon sur rue. C’est toutefois en 2003 que ce nouveau type d’émission connaît véritablement son envol. Il met l’accent, dans les années à venir, sur les relations de couple et sur le chant. TVA propose ainsi Occupation double et Star Académie. La finale de cette dernière est regardée par pas moins de trois millions de téléspectateurs. À TQS, Renée-Claude Brazeau et Philippe Fehmiu animent Loft Story, un concept qui fera couler beaucoup d’encre. » (Imbeault, p. 335-336)
D’autres émissions vont également marquer l’imaginaire des Québécois, comme Radio Enfer, Dans une galaxie près de chez vous, Omertà, Un gars, une fille, Fortier, Le Cœur a ses raisons, Les Invincibles, Le Point J, La Fin du monde est à 7 heures, Tout le monde en parle…
La dématérialisation de l’écoute de la télévision (2007-2020)
À une époque où il possible de consommer des émissions sur le Web, les diffuseurs québécois arrivent toutefois à tirer leur épingle du jeu :
« Les grands réseaux francophones demeurent populaires auprès de la population. En 2016, TVA occupe 24,6 % des parts d’écoute; Radio-Canada, 13,6 %; V, 7,7 %; et Télé-Québec, 3,8 %. Les réseaux spécialisés francophones détiennent quant à eux 43,5 % des parts d’écoute (dont 4,1 % à RDS, 3,3 % à LCN, 2,8 % à Canal Vie) et les réseaux anglophones et américains, 7 %. » (Imbeault, p. 418)
En 2009, TQS devient V; en 2020, la chaîne change à nouveau de nom pour Noovo. Entre temps, on assiste à l’émergence de séries Web, dont certaines vont être diffusées à la télévision : Contrat d’gars, Comment survivre aux week-ends?, Temps mort…
Au cours de la dernière décennie, de nouvelles productions vont continuer à séduire les Québécois : Toc Toc Toc, Le Chalet, La Galère, 3600 secondes d’extase, Unité 9, Au secours de Béatrice, Les Beaux Malaises, Like-moi!, District 31, Le Banquier, En direct de l’univers, Curieux Bégin…
En conclusion
Une histoire de la télévision au Québec est un ouvrage que je recommande chaudement à ceux qui s’intéressent à la télévision québécoise, mais aussi aux chercheurs débutants, puisqu’il regorge d’une tonne d’informations sur l’évolution de ce médium au Québec. Toutefois, il faut tenir compte que ce ne sont pas toutes les émissions qui sont présentées dans ce livre, puisque celles-ci ont été sélectionnées selon leur degré de popularité (Imbeault, p. 7). Notons aussi qu’en raison de choix personnels, les documentaires phares, les téléfilms et les doublages de séries américaines n’ont pu être abordés dans cet ouvrage (Imbeault, p. 516). Nous espérons que ceux-ci feront l’objet d’un essai prochainement.
Nous tenons cependant à souligner la qualité de la recherche de l’auteure, qui a pris soin de documenter les sources bibliographiques ainsi que les crédits photographiques. En effet, ce livre est riche en photographies en noir et blanc ainsi qu’en couleur. Enfin, on y retrouve, à la toute fin de cet ouvrage, une liste des émissions répertoriées ainsi que le numéro de la page dans laquelle elles apparaissent.
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