Entrevue de fans (2) – Maxime Girard, quelques années plus tard

Lors du plus récent billet, nous avons publié une entrevue de Maxime Girard dans le cadre d’une recherche menée par Marc Joly-Corcoran. Il est intéressant de noter que c’est Frédéric Clément, une connaissance commune et auteur du mémoire « La représentation du féminin dans les films d’animation Ghost in the Shell et Ghost in the Shell 2 : Innocence du réalisateur Mamoru Oshii », qui les a mis en contact. À la demande de M. Girard, Nous sommes fans l’a rejoint par téléphone afin de déterminer si des changements se sont produits entre les deux entrevues. Bonne lecture!

Christine Hébert : Plusieurs années après cette entrevue, qu’est-il arrivé de votre passion pour la culture japonaise? Est-elle aussi forte qu’avant?

Maxime Girard : C’est intéressant que tu me poses cette question maintenant, parce que j’ai déterminé que, pour l’édition 2018 du Festival Nadeshicon, je n’allais pas reprendre la tâche de responsable des invités et d’être aussi impliqué qu’avant. Je vais pouvoir m’offrir comme tuteur, mais pas comme directeur ou organisateur principal.  Cela fait environ 2-3 semaines que j’ai déterminé de prendre une pause sur la culture japonaise, mais pas entièrement. Au niveau organisationnel principalement. Je vais plutôt me concentrer pour devenir meilleur en tant qu’organisateur d’événements et revenir en force pour 1) aller voyager au Japon en mars-avril 2019 pendant 4-5 semaines et vraiment découvrir pour la première fois cet endroit pour lequel je faisais de la promotion sans avoir y été et 2) pour ensuite prendre du recul sur ce que j’ai fait comme promotion et ce que j’ai découvert jusqu’à aujourd’hui. Oui, je pense que j’ai à peu près autant d’intérêt envers la culture japonaise, sinon plus. Je vais prendre du recul pour mieux apprécier cette passion qui m’est propre.

C. H. : Est-ce qu’il y a un événement qui vous a porté à prendre cette décision?

M. G. : J’ai eu une offre de chargé de projet pour un thème qui est d’actualité en ce moment au Québec et à travers le monde : le sport électronique. Il y a beaucoup de personnes qui veulent investir là-dedans au niveau d’entreprises et organismes à but non lucratif. Il y a un bassin énorme non exploré à Québec qui mérite d’être encouragé. Et j’ai des connaissances qui veulent que je me lance aussi là-dedans. En échange, je vais gagner beaucoup d’expérience dans l’événementiel. C’est avec des gens avec qui j’ai grandement confiance. Ça m’a aidé à prendre cette décision.

C. H. : Quelles sont les activités que vous avez maintenues pour alimenter votre passion de fan?

M. G. : Je fais parti depuis 2006 de l’Association d’amitié Québec-Japon organisée par Masami Gauvin, qui gère, avec son mari André Gauvin, un chapitre de cérémonie du thé qui s’appelle Urasenke Tankokai de Québec, qui tiennent plusieurs activités, dont la présentation de la cérémonie du thé et plusieurs aspects de la culture japonaise sont présentés, dont la danse folklorique, les arts martiaux, la calligraphie, etc. C’est là que j’ai rencontré entre autres mon amie Kayo Yasuhara, qui fait de la danse folklorique, habite à Montréal et que j’invite annuellement au festival Nadeshicon.

Bien sûr, depuis le festival Nadeshicon, j’alimente ma passion et je lance tous mes contacts et mes connaissances là-dedans. Je suis toujours là pour aider cet événement à grandir et présenter des nouvelles facettes de la culture japonaise. J’aide comme bénévole à Otakuthon, j’ai aidé à Anime North, j’ai aidé à G-Anime et Comiccon de Québec/Montréal. Il y a, par exemple, mon amie Kayo qui a voulu faire une pièce de théâtre sur la fondatrice du kabuki. J’ai offert de l’aide et j’ai pu assister à sa représentation. J’avais traduit son texte de l’anglais au français et elle s’est servie du texte « live » pendant le spectacle. Ça m’a surpris, mais en même temps, cela a démontré que je pouvais aider à faire épanouir la culture japonaise et pas juste la promouvoir.

Dès qu’il y a quelque chose en lien avec le Japon au Québec, je vais aider autant que possible. Des fois, je vais à des spectacles de musique populaire, comme Distant Worlds (Final Fantasy) ou l’Orchestre de Jeux Vidéo de Montréal. Ça m’arrive des fois d’aller à des projections du Club Animé Québec de l’Université Laval ou à la boutique de l’Imaginaire quand elle tient une journée cosplay. Quand la boutique Fanamanga fait des activités, souvent j’assiste à ces événements et des fois, j’aide bénévolement aussi.

C. H. : Vos amis et votre entourage ont-ils changé d’idée par rapport à vos passions?

M. G. : Mon père trouve que les mangas et les animes, c’est juste pour les enfants et il n’est pas capable d’écouter plus que 30 minutes, même si c’est sérieux. Avec mon père, ça n’a pas changé du tout. Ma mère m’a toujours encouragé dans mes projets, alors je dirais que dès le début, elle a toujours été curieuse des dessins animés, des mangas et de la culture japonaise. Elle vient quelques fois au festival Nadeshicon voir où en est rendu le projet et elle m’encourage, alors ça n’a pas vraiment évolué. Ma sœur s’est rendue une fois au festival, elle n’a pas trouvé l’expérience à son goût, donc elle n’est pas revenue. Je trouve que ça n’a pas changé du tout. Les gens ont vraiment leurs préconceptions et s’ils étaient ouverts aux idées, ils sont restés ouverts aux idées. Et ceux qui étaient renfermés sont tout aussi renfermés.

C. H. : Quelles sont les émotions que vous pourriez aujourd’hui associer au mot « fan »?

M. G. : C’est sûr et certain qu’un fan vit souvent de la joie. Il y a souvent de l’excitation. Un fan, c’est de l’engouement. Je dirais que les émotions, c’est toujours quelque chose qui nous fixe au moment présent, mais aussi à la nostalgie, parce que c’est quelque chose qui s’est passé dans le passé qui nous a amenés vers la chose.

[Avant de clore l’entrevue, Maxime Girard est revenu sur un détail, qu’il considérait comme important.]

M. G. : La raison pour laquelle j’ai commencé à aller à l’Association d’amitié Québec-Japon est qu’en 2006, j’avais été bénévole à Expo Québec pour le pavillon du Japon parce que, chaque année, il y avait un pays qui était représenté. C’était la seule opportunité à l’époque que j’avais pu entrer en contact avec le Club Animé Québec. Il y avait une personne qui m’avait répondu au hasard : « Hey, j’ai vu que tu as écrit sur notre forum. Veux-tu être bénévole? » J’ai répondu : « Ok, oui. » Et, à partir de là, j’ai rencontré Line Pellerin, qui était coordonnatrice culturelle du Consulat général du Japon à Montréal. Elle était responsable du pavillon du Japon pour le Consulat auprès des bénévoles. Elle m’avait impressionnée sur le coup, et elle était vraiment bien organisée et avait été bien gentille pendant la semaine que j’avais aidé. Vers Noël, l’Association d’amitié Québec-Japon m’a invité à son rassemblement annuel étant donné que j’ai fait du bénévolat pour la communauté japonaise à Expo Québec. J’ai appris, deux ou trois mois plus tard, que Line Pellerin avait perdu la vie après un combat face au cancer. La communauté japonaise m’avait dit que, si je le voulais, je pouvais aller faire mes salutations à ses funérailles. Alors j’avais accepté et je pense que c’était la première fois que j’allais tout seul à Trois-Rivières. Rendu là-bas, j’avais écrit un poème et un de ses frères avait lu mon poème et il a trouvé ça touchant. Il m’avait expliqué que Line était très simple et restait vraie envers elle-même et auprès des autres.

Tout ça a dû m’aider au niveau public, social et communautaire. Avant ça, c’était juste moi qui écoutais des animes, qui lisait des mangas dans mon sous-sol. À ce moment-là, j’ai décidé de m’impliquer et de, en quelque sorte, partager tout ce que j’avais appris et tout ce que j’avais accumulé à travers les années. Peu après, j’ai découvert que le Club Animé Québec était actif, il ne répondait juste pas à ses courriels. De 2006 jusqu’à 2010, quand la convention a finalement vu le jour, c’est vraiment là où j’ai le plus grandi. Et je trouve que de maintenant jusqu’en 2019, c’est comme si je prends une étape supplémentaire dans ma vie pour, encore une fois, grandir et pouvoir encore plus partager l’expérience que j’ai vécue. Oui, je considère que je suis un fan parce que je m’implique intensément dans ces activités-là, mais, en même temps, pas au point de ne pas être capable de payer mon loyer ou de devenir dépendant des autres. Je suis capable de m’occuper de moi-même et d’être un fan.