Le 13 mai 2016, Hélène Laurin et Jean-Michel Berthiaume de l’Université du Québec à Montréal ont présenté leur panel « The state of popular culture analysis in francophone Québec » dans le cadre du congrès de l’Association de Culture Populaire du Canada. Que pourrions-nous retirer de cette présentation? Pour en savoir plus, j’ai interviewé M. Berthiaume, qui a eu l’honneur d’inaugurer cette série d’entrevues de chercheurs sur ce blogue.
Christine Hébert : D’où est venue l’idée de faire un panel sur la culture populaire dans le Québec francophone?
Jean-Michel Berthiaume : Le fait qu’il n’y a pas de ressources centralisées pour ce genre de question. Le domaine académique n’a aucune idée de l’ampleur du phénomène au Québec et la communauté des pratiquants ne sait pas que l’université s’intéresse maintenant à sa culture/pratique. Il fallait commencer par quelque part pour sonder le terrain sur les infrastructures existantes.
C. H. : Jusqu’à maintenant, quelles sont les infrastructures que vous avez repérées?
J.-M. B. : Elles sont présentes dans le PowerPoint (state-of-popular-culture-analysis-in-francophone-quebec-1), mais j’en vois de nouvelles surgir à tout les mois. Au début, mon intention était d’identifier les lacunes et de monter des projets pour combler les manques. Mais j’ai vite réalisé l’ampleur de la tâche, j’ai dû laisser un peu aller et juste encourager les gens et surveiller les nouveaux arrivages.
C. H. : D’après le PP, les Québécois sont nombreux à consommer du contenu francophone. Quel effet cela peut amener sur la recherche en culture populaire?
J.-M. B. : On voit une augmentation des recherches universitaires portant sur des sujets reliés au populaire. C’est normal, les gens parlent de ce qu’ils connaissent. Ce qui est génial, c’est que les recherches ont de plus en plus tendance à parler des objets de culture québécoise, ce qui permet aux gens de défendre une culture populaire souvent mal aimée.
C. H. : Toujours selon le PP, ce sont les journalistes et les analystes des médias qui commentent la culture populaire au Québec. De quelle façon les chercheurs peuvent-il enrichir le débat?
J.-M. B. : Encore, ce sont eux qui communiquent le plus avec le fandom. Une journaliste (majoritairement des femmes) intelligente et intéressée offre souvent aux gens une nouvelle façon de percevoir leurs fandoms, ça aide au sentiment de communauté, de pertinence et de validité. C’est en voyant les autres défendre leurs intérêts sur la sphère publique que les fans prennent de la confiance sur la validité de leurs intérêts.
C. H. : Considérant votre implication pour POP-EN-STOCK, quel rôle cette revue peut-elle jouer auprès d’un lectorat francophone?
J.-M. B. : Notre aspiration est de soutenir l’existence de ce lieu d’échange qui sert de plateforme de réflexion sur les objets de la culture populaire. Le Québec est dans une position privilégiée face aux études sur la pop, car nous vivons à proximité du plus grand producteur de culture populaire au monde, mais notre langue nous permet de l’analyser avec les théories de penseurs français issus, nommément, de la french theory. Pour faire beau, on est à la fois à proximité de la matière première et nous possédons les ressources intellectuelles nécessaires pour une bonne transformation de ses matières en produit riche.
C. H. : Quelle serait la priorité pour favoriser le Québec en tant que lieu d’étude de la culture populaire?
J.-M. B. : Bonne question. Moi, personnellement, je trouve qu’il manque de gens qui en parlent sérieusement sur les tribunes publiques. Les instances radiophoniques et télévisuelles sont beaucoup plus orientées vers des topos types « making of » que de rencontrer des gens qui réfléchissent sur les créations. C’est comme si on s’intéressait beaucoup plus à la vision des créateurs qu’à celui des récepteurs.
C. H. : Nous pourrions en discuter pendant des heures, mais je dois malheureusement clore cette entrevue. Je vous remercie Jean-Michel d’avoir répondu à mes questions.
J.-M. B. : Pas de problème. Bonne journée!