Petite anecdote : il y a quelques années, Simon Portelance cherchait des personnes volontaires pour retranscrire ses entrevues. Ayant un intérêt pour le sujet de son projet, j’ai décidé de lui donner un coup de main pour quelques entrevues.
Ce projet, sous forme de livre, a paru le 27 septembre 2022. Quelques semaines auparavant, j’ai eu la chance de le recevoir avant sa sortie officielle. Je remercie sincèrement les auteurs pour leur générosité et, sans plus tarder, je vous dévoile une partie de leurs recherches.
À propos du livre Génération Canal Famille
Génération Canal Famille est un livre rédigé par Simon Portelance et Guy A. St Cyr et publié par Québec Amérique en 2022. Il est le résultat de plus de trois ans de travail et d’entrevues auprès de 250 artisans du Canal Famille.
Mais qu’est-ce que Le Canal Famille? Laissons les auteurs le présenter :
« Le Canal Famille était une chaîne de télévision spécialisée pour les jeunes. […] La chaîne ralliait quatre groupes d’âge : les 3-5 ans, les 6-9 ans, les 9-14 ans et toute la famille. Ce réseau a été en ondes du 1er septembre 1988 au 1er janvier 2001. Ses heures de diffusion s’étendaient de 7 h à 19 h du lundi au jeudi et jusqu’à 20 h du vendredi au dimanche. » (Portelance et St Cyr, p. 13)
Ce livre retrace non seulement l’histoire de cette chaîne spécialisée, mais aussi celle d’une autre station, TVJQ (1980-1988), ainsi que les débuts de VRAK.TV, la chaîne remplaçante du Canal Famille. On y trouve des informations sur la production d’émissions de télévision, mais aussi des anecdotes de tournage ainsi que des hommages aux personnes disparues.
Il y aurait tant à écrire tellement ce livre regorge d’informations, mais j’ai plutôt décidé de vous résumer les chapitres sur les émissions marquantes du Canal Famille (et de VRAK.TV).
B!Bi et Geneviève (1988-1993)
Un jeune extraterrestre de 12 000 ans, B!Bi (Michel Ledoux), effectue un stage sur la Terre et se lie d’amitié avec Geneviève (Sophie Dansereau), une graphiste dans la vingtaine. Cette production originale du Canal Famille, qui durera cinq saisons, est celle ayant généré le plus de produits dérivés :
« Une vingtaine de livres sont commercialisés. Chaque tome vend en moyenne 10 000 exemplaires. Le volume numéro 1 est acheté plus de 25 000 fois. Des figurines, des vidéocassettes, des casse-têtes, des cahiers d’activités et même une poupée de B!Bi sont mis en marché par le producteur Paul Cadieux » (Portelance et St Cyr, p. 49)
Sur la rue Tabaga (1989-1995)
Dans cette émission destinée à un public cible de 3 à 5 ans, on y trouve différents personnages, avec lesquels on apprend entre autres les bases de l’alimentation (avec le chef Latartine), de l’hygiène (avec Mlle Débarbouillette et Barbouille) et de l’anglais (avec Flip et Flap). Tourné loin de Montréal (à Sainte-Foy, pour être précis), ce projet a eu un impact intéressant pour Le Canal Famille :
« Après une analyse interne du Canal Famille, Sur la rue Tabaga reçoit le titre de l’émission la plus populaire après Les Schtroumpfs. Sans être aseptisés par des psychologues, les textes à la fois colorés et éducatifs transmettent de bonnes valeurs qui plaisent autant aux parents qu’aux enfants. » (Portelance et St Cyr, p. 70)
Fripe et Pouille (1990-1993)
Enfuis d’une bande dessinée grâce à un avion en papier, les amis Fripe et Pouille vivent toutes sortes de péripéties dans un appartement. Cette émission jeunesse, qui connaîtra un succès monstre pendant trois saisons, a bénéficié d’un budget total de 100 000 $ pour la première saison :
« Ce budget restreint donne très peu de marge de manœuvre en ce qui a trait au décor. Un carton bleu avec des boulettes de ouate représentent un ciel clairsemé où flottent quelques nuages. » (Portelance et St Cyr, p. 85)
Enfanforme (1991)
Avec Chloé (Élyse Marquis) et Pélo (Joël Legendre), les tout-petits apprennent à bouger à l’aide de mouvements simples et accessibles. Cette émission, qui n’a eu qu’une saison de 65 épisodes, a été tournée en une dizaine de jours :
« En une seule journée, les deux comédiens tournent 6 épisodes de 15 minutes l’un à la suite de l’autre et, dans la mesure du possible, en une seule prise. » (Portelance et St Cyr, p. 90)
Télé-Pirate (1991-1996)
Chroniques et sketches s’entremêlent dans cette émission délirante pour les jeunes. À l’animation, on retrouve Christan Bégin, Élyse Marquis et Guy Jodoin. Après la deuxième saison, Carol Cassistat remplace Guy Jodoin. Ce dernier raconte son expérience de tournage aux deux auteurs :
« Ce qui était difficile pour moi, ce n’était pas l’émission en soi. C’était la route et la fatigue. Je dormais à peine quatre heures par nuit. Je jouais au théâtre le soir à Québec. Je prenais la route et j’arrivais à Montréal à 1 h du matin. Je me couchais et vers 4 h 30, j’apprenais mes textes de Télé-Pirate. Sept heures, il fallait être sur le plateau. On faisait notre journée et je quittais pour me rendre à Québec pour 19 h. » (Portelance et St Cyr, p. 112)
Les Intrépides (1992-1995)
Tom (Lorànt Deutsh) et Julie (Jessica Barker), deux adolescents, animent Les Intrépides, une émission de radio quotidienne et clandestine. Cette co-production franco-québécoise, très populaire au Québec, n’a toutefois pas le même succès retentissant en France :
« Ce phénomène s’explique du fait que le marché télévisuel dans l’Hexagone est plus divisé qu’ici, et que les rediffusions des Intrépides n’ont pas été étalées sur une dizaine d’années. » (Portelance et St Cyr, p. 125)
Les Débrouillards (1990-2001)
Les Débrouillards, c’est une émission destinée à vulgariser la science et qui connaît deux moutures (1990-1995 et 1998-2001). Co-animatrice de la première mouture, Marie-Soleil Tougas a su créer un lien indéfectible avec son public. Encore aujourd’hui, son décès dans un accident d’avion le 10 août 1997 continue de marquer nos esprits, y compris celui de son partenaire de travail, Gregory Charles.
« C’était une fille super opiniâtre, super convaincue, super passionnée. Si t’avais Marie-Soleil comme amis, t’étais dans la bonne voiture. Pour ceux qui ne la connaissaient pas, je pense qu’elle était un peu intimidante. Après l’accident, j’ai pris un break et je suis allé aux États-Unis. Je me suis pogné un job dans un piano-bar. Ç’a pris du temps avant que je revienne. » (Portelance et St Cyr, p. 142)
La Princesse Astronaute (1993-1996)
Dans le royaume Dragonville, la princesse Noémie (Pascal Buissières) fabrique une navette spatiale avec l’aide du savant Kopernik (Luc-Martial Dagenais) et vit toutes sortes d’aventures avec ses amis le chevalier Vladimir (Emmanuel Bilodeau) et le dragon Tout-feu-tout-flamme (Bernard Carez). Mélange de pièces de Molière, de contes de fées traditionnels et de référents contemporains, cette émission est marquante pour les téléspectateurs, mais surtout pour les téléspectatrices :
« Pour plusieurs Québécoises, Noémie a un impact aussi fort que celui de la Princesse Leia de La Guerre des étoiles. Sa fougue, son goût de l’aventure et son anticonformisme inspirent des femmes à se dépasser. Elle leur a montré que n’importe qui peut viser les étoiles. » (Portelance et St Cyr, p. 171)
Les Zigotos (1994-1998)
Dans cette compétition télévisée, des équipes d’enfants d’âge primaire doivent relever des défis afin d’avoir le privilège de chercher la grenouille dorée dans la Mare maléfique. Si la grenouille n’est pas trouvée, les Zigotos devront faire un tour dans la Cabastrophe, lieu dans lequel ils recevront des petits objets sur la tête.
« Grâce à un encadrement exemplaire, il n’y a eu que très peu d’incidents sur le plateau : un exploit, considérant qu’au moins 3500 jeunes ont participé aux Zigotos. Les animateurs ne se souviennent que d’un jeune qui a hyperventilé, et d’un autre qui a saigné du nez. » (Portelance et St Cyr, p. 190)
Radio Enfer (1995-2001)
Cette sitcom, qui se déroule dans une polyvalente québécoise, suit les tribulations d’une équipe de radio étudiante, avec à sa tête Carl « le Kat » Charest (François Chénier).
« Par son humour pas du tout infantilisant, Radio Enfer rassemble la famille. Peu importe l’âge du téléspectateur, tous peuvent y trouver leur compte. En novembre 1997, un prix du public est décerné par l’Alliance pour l’enfant et la télévision à la suite d’un sondage auprès de 2500 jeunes de 6 à 12 ans. Radio Enfer récolte également huit prix Gémeaux. Sa notoriété dépasse celle du Canal Famille. » (Portelance et St Cyr, p. 226)
Le Studio (1995-1998)
D’abord une série d’intermèdes quotidiens animés par Bruno Blanchet, Le Studio évolue ensuite dans une formule quotidienne d’une demi-heure, avec des entrevues menées par Guylaine Tremblay et des sketches mettant en vedette Bruno Blanchet et Guy Jodoin. Parmi les sketches les plus mémorables, nous retrouvons Ça va mal!, Le Géant du Château ainsi que Maliboune 9021-oune :
« Dans les années 90, Baywatch (Alerte à Malibu) et Beverly Hills 90210 cartonnent auprès des ados. Pour parodier ces feuilletons américains, Bruno et Guy incarnent deux sauveteurs, Billy et Mike, qui s’expriment dans le style des pires traductions franco-françaises. Les deux potes se posent des questions sur la vie, la drague et les nanas, quoi. Assis devant l’océan, au pied d’une chaise de sauveteur, Maliboune 9021-oune est un prétexte pour jeter des seaux d’eau aux comédiens. » (Portelance et St Cyr, p. 240)
Pin-Pon (1996-1998)
À Pinponville, où il n’y a plus de feu depuis longtemps, il y a les pompiers Pin-Pin (Yves Soutière) et Pon-Pon (Thomas Graton) ainsi que l’apprenti-pompier Pouet-Pouet (Philippe Lambert), le petit frère de Pin-Pin. En compagnie des pompinos, des enfants de 4 à 5 ans, il y a des comptines, des contes, des jeux et des chansons :
« Chaque demi-heure inclut un artiste invité qui vient chanter. En complément de compositions musicales, les chanteurs et chanteuses interprètent des chansons traditionnelles de différents pays. De plus, des paroles sont parfois greffées à des airs de musique classique. » (Portelance et St Cyr, p. 260)
Zone de Turbulence (1998-2000)
Dans ce magazine, les sujets sont traités avec humour, originalité et audace. Les animateurs (Isabelle Brouillette, Frédéric Desager, Charles Lafortune et Pierre Limoges) font également des personnages dans des sketches. Pour Charles Lafortune, l’un des personnages les plus marquants qu’il a interprétés est Grubeth, qui parlait le flappon :
« C’était une espèce d’Est-Allemande sur les stéroïdes avec des cheveux blonds à la Fifi Brindacier. Les auteurs m’ont écrit un lexique en flappon rempli de mots inventés. “Piktens” pour clous, “shteufka” pour marteau… J’ai l’ai appris par cœur. » (Portelance et St Cyr, p. 282)
Dans une galaxie près de chez vous (1999-2001)
En 2034, un équipage canadien, à bord du vaisseau spatial Romano Fafard, part à la recherche d’une planète pour y déménager 6 milliards de Terriens. Cette série de science-fiction de quatre saisons aura également deux films, sortis en 2004 et 2008.
« Jusqu’en 2006, VRAK.TV rediffuse quotidiennement Dans une galaxie près de chez vous et le bassin de fans continue de s’accroître. Sur Internet, on voit apparaître plusieurs sites amateurs, forums et fanfictions. On invente carrément des nouvelles aventures à bord du vaisseau, certains y vont de théories parfois poussées à l’excès, et des artistes visuels créent des illustrations, des peintures et des sculptures. À l’échelle québécoise, ce phénomène culte se compare à ceux de Star Trek et Star Wars. » (Portelance et St Cyr, p. 307)
Réal-IT et Réal-TV (2001-2004)
Pour aider la transition du Canal Famille vers VRAK.TV, la nouvelle chaîne spécialisée met en place des capsules animées par de jeunes personnages : Réal-IT. Par la suite, ces mêmes personnages auront leurs propres aventures dans la sitcom Réal-TV.
« Réal-IT est un succès instantané. Sébasse, Véro, FX, Manu et Fred sont rapidement adoptés par le public de VRAK.TV. Chacun a sa personnalité distincte à laquelle les préados s’identifient. À l’hiver 2001, malgré qu’il ne figure pas dans la grille horaire, l’intermède se hisse en cinquième position des émissions les plus populaires de la chaîne. » (Portelance et St Cyr, p. 327)
En conclusion
Génération Canal Famille est un véritable travail de documentation. Non seulement on y trouve l’histoire des émissions phares du Canal Famille, on y retrouve également plusieurs listes en annexe, comme celle des compléments d’antenne ou encore celle des films de Ciné-Disney. De plus, au fil des pages, il y a des grilles horaires des émissions diffusées sur cette chaîne spécialisée.
Lire Génération Canal Famille, c’est plonger dans la nostalgie des années 1990. Même si je n’ai jamais été abonnée au Canal Famille, j’ai pris plaisir à découvrir les émissions ayant marqué l’enfance de ma génération. C’est également un cri du cœur des auteurs d’offrir plus de place à la télévision jeunesse d’ici :
« Avec la multiplication des plateformes comme Netlfix, YouTube et Disney+, l’intérêt des enfants pour le contenu québécois ne peut aller qu’en diminuant, s’il n’y a pas de productions locales assez fortes pour les rivaliser. Pour y arriver, ça prend une volonté des diffuseurs, des producteurs, mais aussi des institutions gouvernementales. Si on veut assurer la pérennité culturelle au Québec, il faut accrocher nos téléspectateurs de demain, et ce, dans tous les domaines artistiques. » (Portelance et St Cyr, p. 341)
Bref, ce livre est un incontournable pour les amoureux de la télévision québécoise, mais aussi de la culture populaire.
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