En 2015, j’avais vu un sondage circuler sur les médias sociaux concernant Ciné-Cadeau. Excitée à l’idée de lire une recherche sur une programmation télévisuelle ayant marqué l’imaginaire des Québécois, j’avais contacté l’investigatrice de ce sondage, Stéphanie Roussel, afin qu’elle puisse m’aviser du moment de la publication des résultats. Deux ans plus tard, Roussel m’annonce la sortie d’un essai, consacré entièrement à Ciné-Cadeau et dirigé par elle.
Grâce à la générosité des Éditions de ta mère, j’ai pu obtenir une copie pour en faire la critique. Sans plus attendre, plongeons dans ce livre (de préférence vêtu d’un pyjama et buvant un breuvage chaud)!
Après Le crépuscule des superhéros, la collection Pop-en-stock publie son cinquième livre : Un Noël cathodique : La magie de Ciné-Cadeau déballée, avec « une préface de Samuel Archibald et les textes de Megan Bédard, Jean-Michel Berthiaume, Éric Falardeau, Sandrine Galand, Simon Laperrière, Simon Predj, Stéphanie Roussel et Jean-François Thériault. »
Pour nos lecteurs ayant grandi à l’extérieur du Québec, le terme « Ciné-Cadeau » peut sembler nébuleux. Il s’agit d’une programmation spéciale pour le temps des Fêtes, diffusée par la station de télévision Télé-Québec (anciennement Radio-Québec) depuis 1981. C’est cependant l’année suivante que cette programmation prend le nom de Ciné-Cadeau et continue, depuis plus de trente ans, à diffuser des films destinés aux enfants (et aux adultes au cœur d’enfant) tels que Tintin et le lac aux requins, Kirikou et la sorcière ou Sinbad, la légende des sept mers. Or, pour Éric Falardeau et Simon Laperrière, Ciné-Cadeau est plus que du cinéma :
Il renvoyait davantage aux repas de famille, à la neige, à la noirceur en sortant de classe et à cette euphorie propre aux vacances, s’inscrivant ainsi dans un paysage festif, au même titre que le sapin et ses boules. De plus, il incarnait magnifiquement la relation intime que nous entretenions avec la télévision, une relation qui se voyait renforcée une fois l’hiver venu. Le froid nous condamnait alors à la réclusion et nous interdisait de jouer dehors. Le temps accordé à enfiler manteau, salopette, mitaines, cache-cou, bottes et, comble de la honte, ces satanées combines, était beaucoup mieux investi dans une énième visite du cauchemar bureaucratique qu’est la kafkaïenne Maison qui rend fou. (Falardeau et Laperrière, p. 33)
Bref, c’est entre autres cette relation que les anciens enfants entretiennent avec Ciné-Cadeau qui est analysée, notamment par Megan Bédard (« Je me souviens de Ciné-Cadeau »). Son texte, qui est à mon avis le plus théorique, est le plus difficile à comprendre, mais une fois les notions de la « figure » vulgarisées (la figure-trace, la figure-pensée et la figure-savoirs), tout devient plus clair :
La figure de Ciné-Cadeau se déploie dans l’interaction de ces trois fonctions. À travers son étude, il m’est possible de comprendre la place que s’est construite Ciné-Cadeau dans mon imaginaire. Celui-ci suscite une panoplie de souvenirs et fait intervenir le passé et l’enfance dans les interactions du présent de l’adulte. Elle réenchante les Noëls d’aujourd’hui en évoquant ceux d’hier. (Bédard, p. 43)
Cet essai fait aussi place à l’analyse de films « cinécadiens », c’est-à-dire ceux ayant pu être diffusés lors d’un Ciné-Cadeau. Dans « Un jour, son prince viendra… mais la princesse sera sortie combattre des monstres », Sandrine Galand s’intéresse à la place des personnages féminins dans la programmation de 2015 :
Dans les films présentant des mondes anthropomorphisés, on n’échappe pas non plus aux stéréotypes physiques. Ils m’apparaissent même exacerbés, comme si on avait peur que les repères se perdent. Vous imaginez? Quelle déroute ce serait pour ces pauvres petits enfants s’ils ne savaient plus déterminer si les personnages principaux de leur film préféré sont une girafe-qui-est-un-garçon ou un rat-qui-est-une-fille! (Galand, p. 93)
Enfin, pour les historiens et amateurs de la télévision, nous retrouvons, à la fin de cet essai, un répertoire alphabétique des films « cinécadiens » ainsi que la grille horaire de diffusion, de 1981-1982 à 2016-2017. Nous félicitons Roussel pour cette épreuve digne des douze travaux d’Astérix!
En conclusion, nous recommandons cette lecture à ceux qui veulent se replonger dans la nostalgie Ciné-Cadeau, mais aussi à ceux qui veulent mieux comprendre cet engouement. Nous regrettons cependant que ce livre soit lu si rapidement. Nous aurions aimé lire plus d’analyses, tant il y a un potentiel immense autour de Ciné-Cadeau (ex. : la programmation des années 1980 comparée à celle des années 1990 ou le classement des films par pays). Y aura-t-il une suite? Seul le temps nous le dira.
En attendant, nous vous invitons à explorer les Souvenirs de Ciné-Cadeau, un site web géré par Simon Predj sur lequel il est possible de visionner des films « cinécadiens » . Et si vous avez aimé ma critique et souhaitez encourager moi et les auteurs, vous pouvez vous procurer ce livre via mon lien d’affiliation. Merci!