Nous sommes fans… de Tintin

Ce soir, Télé-Québec diffusera à 20 h 59 Au Québec avec Tintin. Inspiré du livre Tintin et le Québec – Hergé au cœur de la Révolution tranquille de Tristan Demers, ce documentaire posera un regard sur l’influence culturelle et sociale de cette œuvre au Québec. Qu’en est-il du reste du monde ?

Lors de la mort d’Hergé, le 3 mars 1983, on estimait le nombre d’albums de Tintin vendus à plus de 80 millions à travers le monde (Apostolidès, 1984, p. 11). Aujourd’hui, c’est plus de 230 millions d’exemplaires traduits dans plus de 80 langues et dialectes (Source). Même après la mort de son créateur, l’œuvre continue d’exister.

Dans son « Adieu à Hergé » paru en 1983-1984, Philippe Gauthier nous donne une idée de ceux qui ont été fans de Tintin de et ceux qui le deviendront plus tard :

[…] les adolescents des années 1930, 1940 ou 1950 pouvaient se reconnaître dans cette image, non ceux des années 1960 ou 1970 […]. De même au moral : doté des plus haute vertus (courage, ténacité, abnégation, générosité), mais cependant sage, poli, chaste et d’ailleurs insensible à tout désir mauvais, ce boy-scout sans peur et sans reproche, qui rétablit l’harmonie ou défend l’ordre établi partout où il passe, paraît aujourd’hui bien démodé. Aussi, depuis une vingtaine d’années, les adolescents ne lisent plus guère Tintin. Mais les aventures du héros captivent encore et captiveront longtemps, je suppose, les jeunes enfants. Quant aux parents, ils observent avec amusement, intérêt ou agacement la mentalité des personnages, les orientations politiques, voire les audaces techniques – quinze ans avant les astronautes américains, Tintin a marché sur la lune et suggéré à ses lecteurs qu’ils n’avaient rien à attendre de cette planète désolée. (Gauthier, 1983-1984, p. 857)

Aujourd’hui, il est intéressant de constater l’influence qu’a eu Tintin sur le monde, particulièrement dans la francophonie. Dans son blogue du Journal de Montréal, la journaliste Marie-Claude Ducas, interviewée dans le cadre du documentaire, révèle la différence culturelle entre le Québec et le reste de l’Amérique du Nord :

C’était déjà frappant à la sortie du film Le secret de la Licorne, produit par Steven Spielberg et réalisé par Peter Jackson: c’était clair, tout de suite, que Tintin avait une autre résonance, et traînait un tout autre bagage dans la francophonie (y compris ici au Québec), qu’aux États-Unis et dans les autres pays anglo-saxons. Et c’était d’ailleurs intéressant de se demander comment le personnage, porté par un Spielberg et un Peter Jackson, serait accueilli par nos voisins américains… On le sait maintenant, l’expérience a déçu au box-office. Mais heureusement, cela n’empêche pas Spielberg et Jackson de vouloir récidiver… (Source)

S’il existe cependant une critique à l’endroit de Tintin, elle viserait possiblement le droit à l’image. Depuis 2009, la société Moulinsart, gestionnaire des droits d’auteur des aventures du reporter, poursuit le fan-club néerlandais Hergé Genootschap pour utilisation illégale de l’image de Tintin. Le fan-club risque actuellement une amande de plus de 100 000 euros (Source). Plus tôt en 2003, le psychanalyste Serge Tisseron, auteur de Tintin chez le psychanalyste, avoue au Journal du Net ne pas avoir visité le site Tintin.com et ajoute :

Je regrette que les héros imaginés par Hergé ne soient pas dans le domaine public. La popularité d’un héros de fiction se mesure à son degré d’appropriation par son fan club. Et on peut faire beaucoup de chose avec Tintin ! Les nouvelles technologies, c’est la liberté d’appropriation de tout par chacun. Si cela se fait autant, c’est parce que ça correspond à un désir et à une nécessité psychique : nous ne nous approprions bien que ce avec quoi nous pouvons jouer et que nous pouvons transformer. Avant, cela ne se faisait qu’avec le langage, mais maintenant, grâce aux technologies numériques et à l’Internet, ce même désir passe aussi par les images. C’est pourquoi je regrette que nous n’ayons pas la liberté de jouer avec Tintin, de modifier son image, de la mettre en ligne, ou de le caricaturer sous peine de poursuite. (Source)

Cette appropriation de l’image pourrait cependant changer une fois que Tintin entrera dans le domaine public le 1er janvier 2054, soit 70 ans après la mort d’Hergé. Or, Moulinsart souhaiterait prolonger ses droits sur l’œuvre en publiant en nouveau Tintin avant cette date. Cet article, écrit par Lionel Maurel, apporte un éclairage fascinant sur le domaine public ainsi que plusieurs œuvres ayant frappé l’imaginaire.