Suivre une série télévisée est un moment captivant, riche en émotions. Nous nous attachons à certains personnages, nous tentons de résoudre certaines énigmes à travers les indices laissés ici et là… Et, soyons honnêtes, nous avons envie de connaître la fin de l’histoire. Sera-t-elle heureuse ou malheureuse? Satisfaisante ou décevante?
Le prochain livre à l’honneur dans cet article s’attardera davantage sur l’écriture des séries télévisées, en tenant compte de la promesse d’un dénouement.
À propos du livre Écrire une série TV. La promesse d’un dénouement
Écrire une série TV. La promesse d’un dénouement est un livre rédigé par Florent Favard et publié aux Presses universitaires François-Rabelais en 2019. Favard est Maître de Conférences en Théorie et Pratique du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Transmédia à l’Université de Lorraine (IECA Nancy), en plus d’être l’auteur des ouvrages Les séries télévisées (2018) et Le Récit dans les séries de science-fiction, de Star Trek à X-Files (2018).
Écrire une série TV est adapté d’une thèse de doctorat soutenue par Favard en 2015, qui se concentrait particulièrement sur les « énigmes, quêtes et voyages dans le temps dans les séries télévisées de science-fiction contemporaines ». Cet ouvrage est divisé en cinq parties, qui rappelle la pyramide des cinq actes de Gustav Freytag : exposition, rising action, climax, falling action et denouement.
Partie 1 – Introduction
Dans cette première partie, Favard nous présente la démarche derrière son ouvrage :
« […] s’engager dans le no man’s land théorique que représente le “milieu” des séries, et comprendre ainsi comment la totalité influe sur ses bornes, ses débuts, ses fins : il s’agit d’explorer les programmes, les possibles, les errements, les mensonges, les délayages, les luttes, les ratures, les virages, les arrêts; de mettre au jour les structures qui portent ces espaces narratifs parfois démesurés – une série peut durer plusieurs années, voire plusieurs décennies. L’objectif est de tirer de la tendance de la promesse de dénouement un ensemble d’outils pour mieux décrire et analyser le déploiement de cette forme narrative progressive qu’est la série télévisée. » (Favard, p. 19 )
Par la suite, il s’attaque sur la définition du récit, mais aussi sur la théorie des mondes possibles ainsi que sur la courte histoire des séries télévisées.
Partie 2 – Orienter une série
La deuxième partie est consacrée aux premières saisons des séries télévisées. En effet, Favard aborde la rédaction du pilote, considéré souvent comme le premier épisode d’une série, mais aussi celle des épisodes suivants, qui vont aider à mieux orienter la série.
« Si l’épisode pilote indique une direction, la première saison doit quant à elle essuyer les plâtres, mieux cerner les enjeux, les personnages, et corriger le plus vite possible ce qui ne fonctionne pas, surtout sur les networks états-uniens où la commande d’une première saison complète repose souvent sur le succès des premiers épisodes déjà réalisés. C’est pour cette raison que, si l’épisode pilote reste une première borne majeure, il n’est que le début du début : la direction qu’il indique est le nord magnétique; la série doit ensuite trouver son vrai nord. » (Favard, p. 67-68)
C’est également dans cette partie que l’auteur discute des différentes catégorisations d’intrigues, qu’elles soient microscopiques ou macroscopiques, itératives ou progressives, biographiques ou cosmographiques…
Partie 3 – Un milieu sans fin
Dans cette partie, Favard s’intéresse au développement des intrigues en milieu de série. Il définit entre autres les notions de mythologie et de narration holographique, en plus de présenter différentes manières de jouer avec le temps en termes d’écriture :
« Art du temps long, la série télévisée n’hésite pas non plus à opérer des bonds définitifs lorsque cela est nécessaire; à déplacer l’action quelques mois ou quelques années plus tard. Le principal objectif est souvent de renouveler l’action, de bousculer le réseau de personnages, de retrouver un nouvel élan narratif. Battlestar Galatica utilise deux ellipses coup sur coup à la fin de sa seconde saison : elle en fait un usage réfléchi qui illustre bien l’intérêt de ce procédé narratif pour les séries contemporaines. » (Favard, p. 158)
Partie 4 – Des illusions du dénouement
Le dénouement est le point central de cette partie. En effet, Favard explique plusieurs stratégies permettant d’allonger une série télévisée, malgré la promesse d’un dénouement. Toutefois, toute série a une fin, qu’elle soit décidée par le diffuseur ou le scénariste. C’est aussi dans cette partie que l’auteur se penche sur la réception des fans face à une fin, comme celle de Lost ou de Breaking Bad.
« Le séisme de la fin de Lost, et sa réplique à la fin de Breaking Bad, est un événement médiatique rarement égalé durant les années 2000-2010 dans le milieu de l’industrie télévisuelle américaine. L’idée que plusieurs centaines de fans aient profité de la diffusion de “Felina” pour harceler de nouveau le scénariste de Lost, montre à quel point la tendance de la promesse d’un dénouement a participé au changement de paradigme qui s’est opéré durant cette décennie, du point de vue narratif comme du point de vue de la réception » (Favard, p. 251)
Partie 5 – Conclusion
Enfin, dans cette dernière partie, Favard revient sur une intrigue reliée à Desmond Hume, un personnage de Lost introduit au début de cet ouvrage. Il s’appuie sur cet exemple afin de démontrer comment les téléspectateurs s’intéressent plus au sort des personnages qu’aux réponses aux questions entourant une série télévisée. L’auteur profite également de sa conclusion pour revenir sur les limites de son livre :
« Le présent ouvrage n’entend pas encapsuler tout le potentiel d’une narratologie des séries télévisées. D’une part parce que l’intrigue macroscopique des séries feuilletonnantes, qu’elle soit ouverte ou promette explicitement un dénouement, ne saurait être décrite uniquement avec les outils présentés ici, surtout quand ceux-ci sont influencés par les œuvres les plus téléologiques. Ces notions sont un début de réponse, qui appelle, je l’espère, des développements, des améliorations, voire, comme l’intrigue d’une série télévisée, des repentirs, des reconfigurations, des abandons. » (Favard, p. 264)
En conclusion
Écrire une série TV est un ouvrage fascinant sur cette tension entre la promesse d’un dénouement et le désir de poursuivre une histoire sans fin (pour des raisons artistiques ou économiques). Même si certaines notions peuvent être difficiles à saisir du premier coup (ex. : cadre narratif), il existe heureusement un glossaire, sur lequel il est possible de s’y référer afin de rafraîchir la mémoire.
Selon moi, une des plus grandes forces de cet ouvrage est la capacité de l’auteur à raconter le déroulement des intrigues des séries télévisées. On sent son amour pour ces séries, notamment celles de science-fiction. Toutefois, le livre n’est pas recommandé si vous souhaitez éviter les divulgâcheurs (spoilers), que ce soit pour Lost, Babylon 5, Battlestar Galactica, Fringe ou How I Met Your Mother.
Pour conclure, je recommande ce livre non seulement aux amateurs de séries télévisées, mais aussi à ceux et celles qui souhaiteraient se lancer dans l’écriture d’une série et qui aimeraient connaître quelques notions théoriques dans le domaine de la narratologie.