J’ai lu : M42 – Magie et Sorcellerie

Il était une fois… un message qui m’informait d’une campagne de financement. Son but? « [L]’édition d’un livre dédié à une thématique unique de pop culture. » Intéressée par le sujet, j’ai apporté ma modeste contribution à cette campagne.

J’ignore si la magie a joué un rôle dans cette histoire, mais par un heureux hasard, le livre arriva chez moi la veille de Noël. Et ce, après avoir parcouru des milliers de kilomètres depuis la France…

À propos du livre M42 – Magie et Sorcellerie

M42 - Magie et SorcellerieM42 – Magie et Sorcellerie est le premier volume d’un projet mis en place par les équipes de Bordeaux Geekfest et d’Angers Geekfest, qui se veut comme une trace physique de leurs festivals. Objet d’une campagne de financement sur Ulule, il a dépassé l’objectif initial de 8000 €.

Pourquoi M42? Pour représenter la nébuleuse d’Orion, mais aussi pour souligner la contribution des 42 intervenants de cet ouvrage, qui sont « de toutes provenances : universitaires, spécialistes de culture geek, créateurs de contenus, journalistes… »

M42 – Magie et Sorcellerie est divisé en 9 dossiers thématiques, avec des sujets qui explorent l’ensemble de la culture populaire.

Magie et sorcellerie

Dans le premier dossier, nous avons d’abord droit à une entrevue avec Simon Delart, illustrateur derrière la couverture de ce livre. Par la suite, deux textes, rédigés respectivement par Gaël Barreau et Yon Ortiz ainsi que par Esteban Tesson, explorent la relation entre la magie et la technologie. Par exemple, lorsque Barreau et Ortiz abordent Star Wars :

« Dans cet univers fictionnel, magie et technologies cohabitent sans que l’on ne connaisse très bien la frontière entre les deux. L’Empire fait peu à peu oublier à la population l’existence des Jedis, considérés comme des bigots obsolètes, mais héritiers d’une longue tradition de dons surnaturels dont on ne sait plus très bien s’ils ont existé. Seulement, lorsque Lucas tenta d’ajouter une approche plus rationnelle, en faisant de la Force le produit d’une symbiose avec des êtres vivants, les Midichloriens, la levée de boucliers fut générale. » (Barreau et Ortiz, p. 21)

Jeux de rôle

Les jeux de rôle sont à l’honneur dans ce dossier. Alors que David Robert retrace les jeux de rôle les plus marquants, tant en France que dans les pays anglo-saxons, Anthony Bruno est interviewé sur son parcours de rôliste. D’ailleurs, lorsque Bruno est interrogé sur les qualités d’un bon joueur et d’un bon maître du jeu, il répond :

« Pour moi, c’est l’écoute et la capacité à tendre des perches et à en saisir pour faire avancer l’histoire. En vrai, le JdR est un jeu “coop” (coopératif). Ça veut dire aussi comprendre qu’il n’est pas nécessaire de chercher à “gagner” – car il n’y a rien à perdre! La victoire est acquise si tout le monde a participé, a vibré, a bien rigolé et n’a qu’une envie : programmer la prochaine session de jeu pour découvrir la suite de l’aventure. » (p. 45)

Enfin, ce dossier se conclut par un scénario de David Desvergnes et Déborah Latorse, adapté pour un groupe de 4 personnes (3 joueurs et un maître du jeu).

Bestiaire

Comme l’indique le titre, ce dossier aborde les animaux fantastiques. Gaël Barreau débute le bal avec les animaux mal aimés, que ce soit l’araignée ou le crapaud. Thomas et Julien de Geekart présente quelques créatures bien représentées dans la culture populaire (le kitsune, le dragon…) alors que Chane est interviewée pour son travail d’illustratrice. Cependant, ce qui nous intrigue le plus, ce sont les créatures fantastiques du Sud-Ouest de la France telles que le Mandragot, raconté par Marie Lambert :

« C’est une créature magique qui est obtenue par un sorcier en échange de son âme. Néanmoins, le jeu en vaut la chandelle, car la bête va partir chaque nuit dans des lieux mystérieux, et revenir au petit jour avec tout un stock de louis d’or (d’où l’un de ses noms, “chat d’argent”, car il rapporte… de l’argent). » (Lambert, p. 69)

Histoire et patrimoine

Dans ce dossier, les auteurs et autrices explorent les manières dont la magie s’est incrustée dans l’histoire et les légendes. Par exemple, Nicolas Baptiste des Geekstoriens examine les armes légendaires, qu’elles soient forgées par les humains, les créatures fantastiques ou les dieux. De son côté, Andres Camps s’intéresse aux dieux et monstres folkloriques japonais. En entrevue, Marie Lambert aborde ses visites guidées teintées de pop culture sur Bordeaux et Cadillac. De la chasse aux sorcières à QAnon, Marianne Closson explique le mythe du complot démoniaque pendant que Novalexandre et Marie Mad Line de la chaîne YouTube Occulture racontent les origines et les rites du vaudou :

« Le vaudou est clairement animiste, c’est-à-dire que c’est une religion qui croit en un esprit, une force vitale qui anime les êtres vivants. Cette religion connaît de nombreuses cérémonies qui rythment les grands événements de la vie, comme les naissances, les passages à l’âge adulte ou encore la mort de l’enveloppe charnelle. Lors de ces cérémonies, il était coutume de faire des offrandes aux divinités, de chanter et de danser en leur honneur… et il aurait même été permis à tous les croyants de boire certains breuvages censés aider à communiquer avec les esprits. » (p. 110)

Femme et magie

La figure de la sorcière est le thème principal de ce dossier, qui commence avec une analyse de Bénédicte Coudière et Franck Erudel sur les sorcières dans la culture populaire. On y retrouve également une présentation de Marie Lambert sur la chasse aux sorcières dans le Sud-Ouest de la France du XVIIe siècle, mais aussi une réflexion de Soline Anthore-Baptiste et Nicolas Baptiste sur l’apparence physique de la sorcière :

« Mais d’où vient donc ce chapeau si emblématique du “look” du personnage et qu’on ne retrouve visiblement dans aucune des descriptions historiques qui l’ont façonné au fil des siècles? Il existe différentes théories quant à l’origine de ce stéréotype, mais aucune n’est certaine. Les gravures médiévales montrent des sorcières portant divers costumes de leur époque, y compris des foulards et des chapeaux de modes différentes. Souvent représentées tête nue, avec les cheveux volant au vent, elles peuvent également porter des coiffes en textile, des foulards, etc. On peut en fait considérer que l’on voit pour la première fois une sorcière “chapeautée” sur un petit dessin d’archives fait en 1618 par le greffier du tribunal de Bergheim, en Alsace, pendant le procès d’Anna Glowel : on y voit le profil d’une femme au nez développé, coiffée d’un chapeau de belle taille arrondi en son sommet. Un chapeau de sorcière qui devient LE chapeau de LA sorcière? » (Anthore-Baptiste et Baptiste, p. 151-152)

Cinéma

Dans ce dossier, nous retrouvons trois articles aux thèmes différents. En plus de retrouver des textes sur Hayao Miyazaki et Georges Méliès – rédigés respectivement par Gaël Berton et Domittor –, nous avons droit à une exploration de Justine Breton sur la mythologie arthurienne dans la littérature et la culture populaire :

« Alors que l’on associe aujourd’hui Merlin à une magie païenne et celte – comme dans Le Roi Arthur d’Antoine Fuqua (2004) –, son origine est bien chrétienne, ce dont il conserve parfois encore des traces : dans le roman Le Concile de Merlin (2014), l’enchanteur protège à la fois les druides et les manuscrits secrets sur la vie du Christ, attisant par-là les tensions dans les deux camps. » (Breton, p. 175)

Littérature

Que ce soit dans les comics ou les romans, la magie occupe une grande place en littérature. Pendant qu’Alexandre Trujillo et Julien Capoulun de MDCU Comics interviewent la Magie en personne, Alexis De-Angelis s’entretient avec différents acteurs de la littérature de l’imaginaire en France (Camille de Mongolfier, Florence Lottin, Emmanuel Bouteille, Dimitri Pawlowski et Ulysse Ronné). Eric-Vial Bonacci, grand gagnant du concours de nouvelles organisé par Bordeaux Geekfest, présente son texte, Le Livre de Narlotep le Fou.

Enfin, une bonne section de ce dossier est dédiée à Harry Potter : Alexis De-Angelis interroge Laurence Fabre sur l’utilisation du premier tome de la saga dans ses cours, La Gazette du Sorcier revient sur son implication dans le fandom et sur le Web depuis les années 2000 et Marie-France Burgain analyse le pouvoir du récit sur ses lecteurs.

« Un des ressorts de la stratégie narrative mise en place par J. K. Rowling est l’“effet-miroir” ou la projection du lecteur dans le personnage de Harry. Cette identification au protagoniste est facilitée par le choix de la situation du jeune sorcier : doté de pouvoirs qu’il ne comprend pas et ne maîtrise pas, il ne sait rien de la société magique. Avides de savoir, mais aussi inquiets et déroutés parfois, lecteurs et héros découvrent petit à petit les habitudes et l’histoire d’un monde nouveau, combinant la familiarité du milieu scolaire et l’évasion de l’univers de la magie. » (Burgain, p. 232)

Industries créatives africaines

Dans ce dossier consacré aux industries créatives africaines, nous retrouvons une entrevue avec Olivier Madiba, fondateur du studio Kiro’o Game, ainsi qu’un article de Mohamed Zoghlami sur les jeux vidéo créés en Afrique :

« Il est intéressant d’observer que les studios de développement africains les plus dynamiques ont placé leurs héros, intrigues et environnement dans un contexte africain. À l’instar de Kiro’os Games avec Aurion, l’héritage des Kori-Odan et de Maliyo avec Mosquito smasher, les jeux rappellent des situations dans lesquelles les Africains peuvent s’imaginer, voire s’identifier. » (Zoghlami, p. 244)

Divertissement

Enfin, dans ce dernier dossier, Sam Vostrok aborde la cohérence du monde de Warcraft. De plus, VBZ (créateur de Reflets d’Acide) et Fabien Fournier (créateur de Noob) racontent comment ils ont su tirer pleinement profit du transmédia pour leurs œuvres :

« Deux sagas qui ont vu le jour dans les années 2000. Si proche et si loin à la fois. En à peine deux décennies, les codes ont changé, les pratiques ont évolué, les supports se sont modifiés. Ce n’est pas un hasard si la saga de JBX a pris la forme d’une saga audio : “Au début des années 2000, le format audio était, par la légèreté de ses fichiers, facile à télécharger… La saga a eu la chance de naître au bon moment pour être partagée; il n’en serait sans doute pas de même aujourd’hui car la vidéo est immédiatement accessible avec des propositions foisonnantes!” » (p. 265)

En conclusion

Il est difficile de classer M42 – Magie et Sorcellerie dans une seule catégorie, puisque ce livre offre différents types de contenu : nouvelle littéraire, entrevues, essais, etc. D’un point de vue universitaire, cet ouvrage permet de se familiariser avec les travaux de certains chercheurs, dont Justine Breton et Marianne Closson. Toutefois, ce ne sont pas tous les essais qui contiennent une bibliographie, d’où l’importance de citer les sources avec prudence.

Or, ce qui fait la force de ce livre, c’est l’abondance et la beauté des illustrations, qui lui donnent une identité propre. J’apprécie également la place accordée au folklore local, mais aussi à tout ce qui sort du cadre eurocentrique, que ce soit l’histoire du vaudou ou les jeux vidéo africains.

En résumé, M42 – Magie et Sorcellerie n’a rien d’un ouvrage universitaire, mais il rend accessible une panoplie de sujets rassemblés autour d’un seul thème, et ce, lié à la culture populaire. De plus, par son format, il peut aisément passer pour un livre d’art laissé à la vue de vos invités.

Au moment d’écrire ces lignes, M42 renouvelle l’expérience, mais avec une nouvelle thématique : la culture geek au féminin. Sa campagne de financement, débutée le 24 janvier, se terminera le 25 février. Si vous désirez recevoir les deux volumes (Magie et Sorcellerie + La culture geek au féminin), rendez-vous à la page suivante : https://fr.ulule.com/m42-la-culture-geek-au-feminin/