Les fans. Publics actifs et engagés (Mélanie Bourdaa) | Bulles pop | Épisode 007

Alors que les pays anglo-saxons regorgent de plusieurs études sur les fans, la France, de son côté, rattrape son retard. Pour le 7e et dernier épisode de l’année 2021 de Bulles pop, nous recevons Mélanie Bourdaa, maîtresse de conférences HDR en Sciences de l’information et de la communication à l’université Bordeaux Montagine, et chercheuse au laboratoire MICA.

Dès le début de l’entretien, nous abordons les sciences de l’information et de la communication, qui sont le résultat d’une approche très française aux yeux de notre invitée.

« À ma connaissance, il n’y a qu’en France qu’on mixe les deux. Donc, ça va être des approches très communicationnelles. Ça peut aller de la communication des organisations aux études de fans, aux cultural studies. Et il va y avoir ensuite le côté information, informationnel, donc recherche d’informations, de documentations, ce genre de choses. »

Fan de séries télévisées depuis toujours, c’est avec son projet de thèse que Mme Bourdaa a développé un intérêt pour les fan studies :

« J’avais travaillé déjà sur la participation des publics et l’interactivité des publics autour des programmes télévisés. Et je faisais une approche comparative entre les programmes français et les programmes américains. Et j’avais, en particulier, analysé les séries télévisées, dont Battlestar Galactica, et comment les fans se regroupaient en communautés autour de Battlestar Galactica et qu’est-ce qu’ils faisaient, qu’est-ce qu’ils produisaient comme discours, qu’est-ce qu’ils produisaient comme sens et comme création autour de Battlestar Galactica. »

Étant elle-même fan de Battlestar Galactica, notre chercheuse croit que cet intérêt a pu l’aider dans sa recherche, « parce que j’ai pu m’intégrer plus facilement à la communauté des fans de Battlestar Galactica et regarder de l’intérieur en fait ce qu’ils faisaient dans cette communauté, comment elle fonctionnait, comment elle s’organisait… […] Et j’ai pu avoir la légitimité, si j’y puis dire, de proposer des questions et d’avoir des entretiens avec des fans, de ce point de vue là. »

Plus de trente ans après la publication des premiers ouvrages marquants des fan studies comme Textual Poachers : Television Fans & Participatory Culture d’Henry Jenkins, notre invitée crut bon d’écrire un livre en français sur ce domaine d’étude, considéré en pleine croissance en France.

« Il y a de plus en plus de collègues qui travaillent sur les études de fans, qui travaillent sur les pratiques de fans et les pratiques numériques de fans. Et d’ailleurs, on est en train de reconstituer, si j’y puis dire, le GREF, le Groupe de recherche en études de fans, qu’on va rouvrir au monde francophone. »

De plus, elle ajoute :

« C’était pour montrer que, en France aussi, on fait des études sur les publics fans, et que ça a la légitimité d’intégrer le champ des sciences de l’information et de la communication. »

En sciences de l’information et de la communication, plusieurs aspects autour des communautés de fans peuvent être analysés, comme la pratique de la fanfiction ou du cosplay. Une grande partie du livre Les fans. Publics actifs et engagés est consacré à l’activisme des fans, un point que défend ardemment Mme Bourdaa :

« Parce que ça me paraissait intéressant de montrer que les fans, ça va au-delà d’un public qu’on montre souvent sous un aspect péjoratif. Et notamment dans les médias, il y a toujours cet aspect, cette représentation péjorative des fans. En caricaturant, c’est un peu la fangirl hystérique et le fanboy obsessionnel. Donc, c’est caricaturé, mais c’est ce qui est quand même assez montré dans les médias, dans les reportages, dans la presse… […] Et je voulais montrer que les fans, ça va au-delà de ça. Et que, si on creuse un peu, eh bien, on se rend compte qu’il y a une organisation dans ces communautés de fans. Il y a une réflexion, une réflexion sur le contenu narratif de la série télévisée. Mais il y a aussi une réflexion qui va être plus politique sur l’identité même de la communauté, mais sur l’identité aussi des personnes, et comment elles peuvent se constituer en fonction de la narration et comment elles peuvent mener aussi des actions en fonction des narrations qui leur plaisent ou des personnages qui leur plaisent. »

Des actions, Mme Bourdaa en nomme plusieurs, comme la création d’un balado sur Wynonna Earp ou une levée de fonds pour soutenir un organisme à but non lucratif. Des actions parfois motivées par la présence de certains tropes dans les narrations, comme Bury Your Gays. Heureusement, les représentations de personnages de la communauté LGBTQ+, notamment les personnages lesbiens, semblent connaître un meilleur avenir.

Pour lire la critique du livre :
Nous sommes fans

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C & F Éditions

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