Toujours à l’affût des publications les plus récentes sur la culture populaire, j’ai appris l’existence d’un livre sur le féminisme chez les célébrités. Et c’était publié par une autrice dont j’avais déjà vu le nom dans un autre essai.
En ce début d’année 2022, je vous présente un livre qui, je l’espère, suscitera la curiosité parmi vous.
À propos du livre Le féminisme pop. La défaillance de nos étoiles
Le féminisme pop. La défaillance de nos étoiles est un essai rédigé par Sandrine Galand et publié par les éditions du remue-ménage en 2021. Titulaire d’un doctorat en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Galand est professeure de littérature au collégial ainsi que chroniqueuse et autrice. Elle a d’ailleurs participé à la rédaction d’un chapitre pour le collectif Un Noël cathodique : La magie de Ciné-Cadeau déballée.
Avec Le féminisme pop, Galand pousse plus loin sa réflexion qu’elle a amorcé avec sa thèse de doctorat :
« Dans ce livre et plus largement avec le féminisme pop, il ne s’agit pas de chercher à savoir si nous sommes en présence d’un bon ou d’un mauvais féminisme, mais plutôt de se pencher sur cette facette des féminismes contemporains – un féminisme qui se réclame du capitalisme, un féminisme récupéré par le discours commercial, un féminisme de privilèges, un féminisme dévalué à cause de sa part de populaire – et de prendre acte de ses tensions. » (Galand, p. 24)
Quinze chapitres composent cet essai, qui explorent non seulement les relations entre les célébrités et le féminisme, mais aussi celles entre les célébrités et leur corps.
L’entrée du féminisme sur le tapis rouge
Dans ce premier chapitre, Galand part d’une anecdote autour du film historique Suffragette et de sa campagne marketing à connotation féministe. Par la suite, elle présente les trois vagues du féminisme nord-américain, avec toutefois certaines nuances :
« […] bien que je n’affectionne pas particulièrement l’approche historique linéaire lorsqu’il est question des féminismes (puisqu’une telle approche a tendance à aplanir les contradictions et à consolider des canons), je tiens malgré tout à revenir, en ouverture de ce livre, sur les périodes conventionnellement comprises comme les trois vagues du féminisme nord-américain puisque la manière dont celles-ci sont cimentées – et continuent de se cimenter – dans l’imaginaire collectif participe de mécanismes et de dispositifs semblables à ceux à l’œuvre dans le féminisme pop. Par là, j’entends que l’un et l’autre – un féminisme canonisé et un féminisme pop – gagnent à être envisagés en fonction des rapports qu’ils entretiennent avec une culture de la célébrité et avec tout ce que celle-ci entraîne : médiatisation, capital, popularité, publicité, mise en scène de soi, etc. » (Galand, p. 30)
Lire le féminisme pop
Avec ce chapitre, la chercheuse aborde une réflexion sur la consommation, qui n’a pas à être interprétée comme un acte de soumission, mais plutôt comme un acte de résistance, grâce notamment à l’interprétation des chercheurs des cultural studies. Par la suite, l’autrice offre plusieurs interprétations du mot « populaire », qui peut se résumer ainsi :
« Je crois qu’il est possible de lire chez les féministes pop un populaire qui se décline sous toutes ses formes. Elles seraient à la fois pop (issues des industries culturelles), Populaires (aimées) et populaire (“du peuple” ou “à la manière d’un peuple”). J’ai envie de m’amuser à penser le populaire des féministes pop dans ses moments de fracture, c’est-à-dire lorsqu’elles redeviennent populaires, tout en demeurant les Populaires du pop. Or, une tendance se dessine : ces moments ont quelque chose à voir avec le corps et le langage qui ne font pas ce qu’on attend d’eux. Des corps et des voix qui ne correspondent pas entièrement à leur statut de stars, qui perdent leur aura. » (Galand, p. 77)
Le prélude de Beyoncé
Galand commence son analyse des figures du féminisme pop avec Beyoncé, qui, par sa performance de la chanson Flawless aux MTV Video Music Awards en 2014 dans laquelle nous pouvons entre autres voir sur écran le mot « FEMINIST », suscite de nombreuses réflexions, dont celles de bell hooks et de Janet Mock. Quant à celles de la chercheuse, cette dernière considère qu’il faut envisager le corps de Beyoncé comme une clé de lecture :
« En faisant défiler son corps devant les lettres du mot “FEMINIST”, voici ce qu’elle semble nous suggérer : il faut la lire, lire son corps. Rappelons qu’elle n’arrive sur scène qu’au moment où ce mot est le seul à perdurer à l’écran. Elle choisit expressément ce moment pour se superposer aux paroles [de Chimamanda Ngozi Adichie]. Mais elle le fait sans bouger : elle ne prend possession de l’espace ni en dansant ni en marchant. Elle ne détourne pas l’attention du mot à son profit. Elle n’en réclame aucune souveraineté. Elle entre simplement sur scène grâce à la composante scénographique, passant devant chacune des lettres géantes, tour à tour, le corps immobile. Elle nous laisse l’ensemble de la scène. Elle se laisse à nous. Si la lecture rend le texte “habitable à la manière d’un appartement loué”, si elle “transforme la propriété de l’autre en un lieu emprunté, un moment, par un passant”, Beyoncé est la passante devant les mots d’Adichie, et me voilà aussi devenue la passant devant le texte Beyoncé. » (Galand, p. 93)
Manifestations de l’intime
Avant d’aller plus loin dans sa réflexion, l’autrice signe ici un chapitre qui aide à faire la distinction entre le privé et l’intime en se basant sur les propos du philosophe Michaël Fœssel. Puis, elle s’intéresse par la suite à la contemporanéité d’après le raisonnement de Giorgio Agamben :
« Agamben rappelle que “seul peut se dire contemporain celui qui ne se laisse pas aveugler par les lumières du siècle et parvient à saisir en elles la part de l’ombre, la sombre intimité”. J’ai envie de lire cette proposition en écho avec Michaël Fœssel puisque c’est justement dans l’intime – de leur corps, de leur parole – que les féministes pop se font le plus faillibles. Lorsqu’elles dérapent, déçoivent ou s’écartent du chemin tracé, les féministes pop peuvent exister autrement qu’en étoiles montantes, et être comprises et envisagées comme contemporaines. » (Galand, p. 112)
Lena Dunham I : star en chute libre
Cette faillibilité évoquée dans le chapitre précédent est en effet explorée dans ce chapitre, consacré aux faux pas de Lena Dunham, mais aussi à sa série télévisée Girls. Une série qui a dérangé pour plusieurs raisons, notamment la manière dont les corps sont représentés :
« [Lena Dunham] plonge volontairement dans les zones d’inconfort qu’un corps comme le sien provoque. Elle joue avec les discordances qu’il engendre, exerçant une sorte de performance corporelle par laquelle elle refuse de faire ce qu’on attend d’elle : il ne faudrait pas qu’elle en montre la peau adipeuse? Elle la dénude le plus possible, laissant paraître cellulite et poignées d’amour. Il faudrait qu’elle revête des habits appropriés à sa silhouette? Elle choisit des coupes et des matières qui en soulignent les soi-disant imperfections. Il faudrait qu’elle se trouve laide? Elle affirme haut et fort tout le respect et l’amour qu’elle porte à son corps et à sa personne. Lena Dunham expose son corps sans retenue et s’abstient d’en être juge et bourreau. […] Quand Dunham exhibe son corps, quelque chose, derrière lui, reste encore à nommer : ce qu’on impose aux corps des femmes, ce qu’on leur interdit ou ce qu’on exige d’eux. Voilà sa contemporanéité. » (Galand, p. 125)
Une Méduse pour les ingouverner toutes
À partir du récit de la défaite d’Hillary Rodham Clinton contre Donald Trump lors de la présidentielle américaine de 2016, Galand examine le mythe entourant Méduse, une figure à laquelle Rodham Clinton est comparée :
« Méduse n’est pas une “bonne fille”. Avant comme après sa métamorphose en monstre mythologique, elle ne dit pas ce qu’il faut, elle n’agit pas comme on aurait voulu et elle ne meurt pas comme il aurait fallu. Elle ne suit pas les préceptes de l’histoire; elle s’oppose à la loi rigide du mythe. Méduse est un personnage liminaire. Elle se tient sur la ligne de fracture, la faille qui sépare en deux l’humain. […] De son récit mythologique jusqu’à la manière qu’elle a d’occuper encore nos imaginaires, Méduse attire et repousse; elle séduit et pétrifie; de pétrifiante, elle se retrouve pétrifiée. Et toujours, elle rit. Comme elle, les féministes pop se jouent des deux : parfois glamour, parfois vulgaires; triomphantes par moment, puis rejetées au tapis; très people, mais néanmoins populaires. Cet état liminaire est ce qui fait d’elles de fières descendantes de Méduse et ce qui les inscrit dans une longue tradition de femmes exerçant une forme singulière de résistance au pouvoir. » (Galand, p. 148)
Quand une star dit je
Dans ce chapitre, Galand survole la représentation de soi en autobiographie, plus précisément l’écriture autobiographique des féministes pop telles que Lena Dunham ou Tina Fey :
« Il va sans dire que, dans le cas d’un féminisme célèbre et célébré auquel on reproche de se mettre en scène à des fins d’autopromotion marchande, la question du soi et de sa présentation prend une place déterminante. La personnalité publique possède un pouvoir discursif qui s’accompagne d’une certaine responsabilité : sa voix, projetée au-dessus de celles des autres par le système médiatique en place, est d’emblée reconnue comme légitime et exemplaire. […] Elle projette une image de soi – un éthos – susceptible d’inspirer confiance, de convaincre, d’influencer. La manière dont elle élabore et présente sa posture féministe à travers la mise en place de cet éthos de star ne doit donc pas être prise à la légère puisqu’elle “joue un rôle idéologique et épistémologique central dans le discours public”. » (Galand, p. 165)
Lena Dunham II : corps en bataille
De retour avec Lena Dunham, la chercheuse replonge dans le récit autobiographique de l’artiste, à travers lequel ses récits autour de la virginité et de l’agression sexuelle trouvent écho dans son œuvre :
« Au fond, la seule zone grise qui compte est celle qui se trouve entre Hannah et Lena, dans la multiplication des voix de la créatrice et des images dont elle entoure son corps : de Lena à Hannah, mais aussi en passant par Anna (le personnage que crée Hannah dans ses cours de création littéraire lorsqu’elle va étudier en Iowa dans la cinquième saison [de Girls]), Aura (protagoniste de Tiny Furnitures) et Ella (protagoniste de Creative Fiction); voilà où s’étend la vraie zone grise. Or, cette fois, elle ne représente pas une menace. Elle n’est plus un espace dans lequel on peut blesser sans impunité. Au contraire, cette zone grise réinventée autorise la narratrice à s’énoncer comme elle le souhaite, dans les décors qui lui plaisent. » (Galand, p. 191)
Amy Schumer : reprendre les rênes du rire
Galand aborde le sujet de l’humour, mais aussi la présence des femmes humoristes sur la scène américaine. Pour cela, elle présente le cas d’Amy Schumer, une humoriste qui joue avec les codes du trope « hard-drinking party girl », mais qui ne tolère pas les débordements de son public ou des intervieweurs face à son persona :
« Elle construit son rôle pour mieux s’en extirper, pour mieux le récuser et en exposer les rouages. Ainsi, quand son éditrice lui fera le commentaire qu’elle paraît “trop détestable” dans le premier jet de son livre, elle répondra simplement : “Je n’essaie pas d’être aimée”. Elle refuse le jeu tel qu’il a toujours été joué. Elle ne sera pas la fêtarde invétérée qu’on laissera cuver son vin, le lendemain de la fête, seule; celle dont on aura vaguement pitié bien qu’elle nous ait permis d’oublier nos vies mornes le temps d’une nuit. Elle réécrit le trope : elle s’amuse jusqu’au bout de la nuit, sans personne pour lui dicter quoi dire, que faire, quand arrêter, et elle ne le fait pour personne d’autre qu’elle-même. En fait, Amy Schumer rappelle constamment aux hommes qui la consomment que son corps n’est pas à leur disposition. » (Galand, p. 203)
Le corps comique : pour l’amour du bas-ventre
Toujours sous le signe de l’humour, l’autrice dédie un chapitre à ces humoristes féminines qui rient des fonctions naturelles de leur corps, que ce soit Amy Schumer ou le duo Ilana Glazer et Abbi Jacobson (avec la série Broad City) :
« Lorsque les stars racontent leur bas corporel dans toutes ses imperfections (cicatrices, vergetures, handicaps), dans toutes ses pertes de contrôle (pilosité, maladies, flatulences vaginale ou anale), dans toutes ses actions ordinaires (uriner, saigner, s’épiler, jouir), elles démontent l’aspect sacré du corps féminin. Elles démontent l’idée selon laquelle “une jeune fille bien doit se faire voir avant de se faire entendre”, autre manière de formuler le “sois belle et tais-toi” de mon enfance qui exige des jeunes filles qu’elles s’en tiennent “sinon au silence intégral, du moins à la parole retenue, soignée, contrôlée, et au sourire, signe d’acquiescement tranquille à l’interlocuteur”. Montrer, dire, raconter ou rire le bas corporel féminin est une manière de ne plus se laisser réduire au silence. Ne pas redouter de se souiller la langue et de descendre vers ce “bas de l’humour” qui est “libidineux, scatologique, dément, vaginal, réactionnaire, vulgaire”, ce n’est pas seulement jouer à profaner le corps et ses représentations, c’est aussi participer à la désacralisation de la parole féminine que l’on préfère douce, retenue, discrète. » (Galand, p. 227)
Spectaculaire douleur
Sur une touche plus personnelle, Galand effectue un parallèle entre les femmes malades ou mourantes dans les œuvres de fiction (Moulin Rouge, L’écume des jours, A Walk to Remember ou Sweet November) et son amie, qui souffre de fibromyalgie. Cette comparaison devient le point de départ à propos de la douleur chez les gens célèbres.
« Quand mon amie Fanny apprend que j’en suis à écrire autour de la mise en récit de la douleur chez les stars et plus particulièrement chez les féministes pop, elle m’envoie un message pour me parler du cas de Selena Gomez. Pourquoi elle n’a rien, à ce moment-là? Elle était shootée à la cortisone, tout le monde la traitait de grosse, mais elle a préféré endurer le bullying plutôt que de dire qu’elle avait le lupus… Pourquoi? Ce n’est que plus tard que je trouverai les mots Selena pour lui répondre, elle qui confiera en entrevue : “C’était très compliqué parce que, d’abord, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Puis, c’est devenu quelque chose que je voulais garder privé jusqu’à ce que toute ma vie devienne soudainement publique.” » (Galand, p. 248)
Le cas Dunham : réécrire l’origine
Dans ce premier cas sur la douleur chez les gens célèbres, la chercheuse raconte le parcours de Lena Dunham et sa souffrance causée par l’endométriose, une souffrance qui va mener l’artiste vers une hystérectomie.
« Par le délogement de son utérus, elle refuse la violence symbolique qui fait du ventre des femmes le lieu du sacré. Dunham se donne le droit de faire ce qu’elle entend avec sa douleur, que ce soit de la cultiver pendant des heures dans un lit alors qu’une production complète attend qu’elle se remette sur pied, ou que ce soit de tenter de l’enrayer en s’attaquant à la source du mal, aussi sacré soit-il […] Lena Dunham abandonne et parce qu’elle abandonne, elle reprend contrôle en profanant l’organe sacré de son corps. Je vois quelque chose de l’ordre d’une résistance dans l’échec de Dunham, dans sa capitulation, dans la perte de son utérus. Son abandon total, l’exposition répétée de l’infertilité de sa douleur et – finalement – celle de son propre ventre ne tiennent pas lieu de défaites, mais deviennent ce que Ross Chambers appelle “un échec qui devient […] un message accusateur”, en filiation avec l’idée de tactique chez Michel de Certeau. » (Galand, p. 270-271)
Le cas Notaro : se rire de la douleur
Dans ce chapitre, Galand analyse le cas de Tig Notaro, une humoriste qui a connu plusieurs problèmes dans sa vie personnelle en 2012. Cependant, quelques jours avant son retour sur la scène, elle reçoit un diagnostic de cancer du sein bilatéral. Un diagnostic qu’elle annoncera dès son entrée en scène.
« En se servant de sa maladie comme ressort humoristique, Tig Notaro parvient à récupérer un certain contrôle sur sa vie en constante interruption depuis quatre mois. Jointe au rire, la douleur s’envisage comme une menace, mais aussi comme le bouclier pour se protéger de ses propres assauts : “Le rire advient quand on retrouve un certain recul sur les choses, quand on désamorce une situation de la même façon que l’on désamorcerait une bombe.” Sur scène, Notaro devient la démineuse de sa douleur. Durant l’heure qui suit, se tournant vers ses souffrances récentes, Tig Notaro improvise presque la moitié du matériel qu’elle livre à son public, charmé. En effet, une grande partie de son monologue n’a pas été écrit. Il n’a pas été manipulé, modifié, altéré, filtré. Ensemble, l’assemblée et elle dessinent une nouvelle façon de performer la douleur. » (Galand, p. 281)
Le cas Gaga : performer le trauma
Avec ce dernier cas sur la douleur, l’autrice revient entre autres sur le documentaire Five Foot Two, réalisé par Christ Moukarbel, dans lequel la chanteuse Lady Gaga laisse voir sa douleur causée par la fibromyalgie :
« J’aime croire que tout passe par la voix, chez Lady Gaga – la voix qu’elle prend pour chanter, la voix qu’elle prend quand elle gémit de douleur, la voix qu’elle prend pour dénoncer – parce que sa voix, justement, participe de sa déconstruction du monde qui l’entoure. De la même manière que d’endosser un costume tellement grand qu’il en devient la caricature de tout ce qu’il symbolise – l’impunité, le privilège, le pouvoir –, chanter, pour Gaga, c’est se redonner un langage. Et le fait d’ainsi retrouver une forme de parole dans la douleur est peut-être quelque chose comme le début d’une résistance au système, d’un pied de nez à la honte et à ceux qui ont espéré la lui faire porter » (Galand, p. 299)
À celles qui sont mes contemporaines
Dans ce dernier chapitre, Galand fait un retour sur ces célébrités qui ont eu un rôle dans sa formation de féministe. Malgré les faux pas, ou plutôt grâce à ces faux pas, ces féministes pop se révèlent dans leur imperfection :
« Chez les féministes pop, le pouvoir ne se trouve ni dans le fait de regarder ni dans celui d’être vues, mais bien dans le fait de se montrer – et de choisir comment. Pour cette raison, je vois chez les féministes pop quelque chose de la figure du fou du roi. Comme le bouffon qui appartient à la cour, mais qui en est aussi l’agitateur extérieur, les féministes pop appartiennent au spectacle, mais quelque chose chez elles empêche qu’elles en soient des membres à part entière. Constamment, elles échouent à faire ce qui y est attendu d’elles. Elles tombent de leur piédestal, elles désacralisent l’image de la star. Même si elles demeurent des personnalités en vue, elles ne sont pas les parfaites étoiles d’Hollywood. Dans ce décalage s’installant entre ce que l’on attend d’elles et l’image qu’elles projettent, elles exposent les dispositifs du système dont elles font partie sans s’y opposer de front. Elles y existent autrement. Trop grosses, trop vieilles, trop nues, trop bruyantes, trop malades… Elles incarnent l’ingouvernabilité que dénote Rowe chez les figures désormais consacrées de la culture pop que sont Miss Piggy ou Mae West. Ainsi, comme le bouffon qui joue, sans en avoir l’air, un rôle central dans l’équilibre du royaume, “se donner donner en spectacle ne rend pas les ingouvernables vulnérables, mais cimente [leur] pouvoir”. » (Galand, p. 312-313)
En conclusion
Le féminisme pop. La défaillance de nos étoiles est un essai captivant sur un féminisme complexe porté par des célébrités humaines. Une fois la théorie mise en place, il devient plus facile de comprendre ce que dénoncent les féministes pop, que ce soit par leurs écrits ou par leur corps.
Toutefois, il faut reconnaître que ce livre n’est pas fait pour tout le monde. D’abord, par son format : plus de 300 pages. Puis, par les sujets abordés, notamment les agressions sexuelles et la vague #MeToo. Or, cet essai demeure une nécessité, ne serait-ce que pour affirmer qu’il existe plusieurs formes de féminisme, mais aussi pour revendiquer le droit à l’imperfection.
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