J’ai lu : BDQ (Tome 2) : Le printemps de la bande dessinée québécoise

Après mon entrevue avec Michel Viau concernant le tome 1 de BDQ, j’avais hâte de lire le tome 2. Toutefois, je n’avais pas encore effectué mes démarches auprès de la maison d’édition Station T lorsque celle-ci m’envoya une copie de presse. Pour cette belle surprise, je la remercie sincèrement et je me suis attelée à la tâche afin de vous offrir un résumé et une critique dignes de ce nom.

BDQ Tome 2 Le printemps de la bande dessinée québécoise : de 1968 à 1979

À propos du livre BDQ. Tome 2. Le printemps de la bande dessinée québécoise : de 1968 à 1979

BDQ. Tome 2. Le printemps de la bande dessinée québécoise : de 1968 à 1979 est un essai de Michel Viau publiée en 2022 chez Station T. Naturellement, il est la suite du tome 1, qui couvre la période se situant entre le XVIIIe siècle et la première moitié du XXe siècle.

Dans son introduction, l’auteur résume ce qui se passe en Europe et aux États-Unis à la fin des années 60, époque marquée par le poids démographique des baby-boomers, les événements de Mai 1968 ainsi que le mouvement hippie, qui influencent les sphères artistiques :

« Ce vent de renouveau souffle également sur les créations québécoises. Comme en Europe, le succès d’Astérix incite les adultes à voir la bande dessinée d’un autre œil et l’anticonformisme qui imprègne les comix américains inspire les auteurs québécois. Alors que le Québec traverse sa Révolution tranquille, que le sentiment nationaliste s’intensifie et que les artistes s’affirment sur la scène locale, tout concourt à l’écolsion du “Printemps de la bande dessinée québécoise”. » (Viau, p. 15)

Le tome 2 de BDQ, plus volumineux que le précédent, est divisé en six chapitres, davantages thématiques que chronologiques.

Chapitre 1 : Utopie, contre-culture et contestation (1968-1972)

À partir de la fin des années 1960, la bande dessinée québécoise devient de plus en plus expérimentale, notamment avec la formation de Chiendent, un « groupe de jeunes créateurs québécois » (Viau, p. 19). De son côté, le début des années 1970 est marqué par la contestation, la bande dessinée étant de plus en plus utilisée par « les centrales syndicales et autres associations communautaires » (Viau, p. 53), mais aussi par la contre-culture, avec la création de la revue Mainmise :

« Sous titrée Organe québécois du rock international, de la pensée magique et du gay sçavoir, la publication véhicule les valeurs de la contre-culture des années 1970 : amour libre et sexualité, égalité des sexes, droit à l’homosexualité et à l’usage de drogues, vie communautaire, non-violence, etc. Mainmise laisse ausi une large place à la musique rock et folk, ainsi qu’à la bande dessinée. À sa création, la revue, dont le tirage oscille entre 5 000 et 10 000 exemplaires, se présente comme un livre de poche bimestriel, puis mensuel, d’environ 225 pages et vendu 2 $. » (Viau, p. 55)

Chapitre 2 : Le temps des groupes (1971-1975)

Dans ce deuxième chapitre, Viau présente la plupart des fanzines et revues créées par des groupes de bédéistes et d’artistes au début des années 1970 :

  • Made in Kébec;
  • BD;
  • L’Hydrocéphale illustré;
  • Kébec Poudigne;
  • Malade;
  • L’Œuf;
  • L’Illustré;
  • Pizza Puce;
  • Patrimoine;
  • Plouf;
  • Tomahac;
  • L’Écran;
  • La Pulpe.

C’est également à cette époque que vont paraître les comics américains publiés par les Éditions Héritage, mais aussi Vidéo-Presse :

« Les premières années, Vidéo-Presse reproduit presque exclusivement des bandes dessinées italiennes. À cause de cela, mais aussi parce qu’une congrégation religieuse édite la publication, cette dernière n’aura jamais vraiment l’appui du milieu de la BD québécoise. De plus, elle est surtout vendue par abonnements dans les écoles, ce qui rappelle les méthodes de Hérauts et l’époque de la Grande Noirceur dont le Québec vient à peine de sortir. » (Viau, p. 167)

Chapitre 3 : La deuxième vague (1975-1979)

Au cours de la deuxième moitié des années 1970, d’autres revues contenant de la bande dessinée québécoise ont fait leur apparition :

  • Le Petit Supplément illustré (dans Mainmise);
  • Grafiti;
  • Prisme;
  • Baloune;
  • Groupuscule;
  • Kébek Komik;
  • Odyssée;
  • Le Petit Rire illustré.

Toujours à la même époque, des fanzines naîtront dans des écoles secondaires, des cégeps, et aussi à partir de rubriques « Le coin des lecteurs » :

« Ainsi, dans la rubrique publiée dans le n° 61-62 du Tombeau de Dracula (juillet 1978), Robert Valade, de Sainte-Mélanie, dans Lanaudière, annonce qu’il a fondé un club le mois précédent et qu’il cherche des adhérents pour le soutenir. Le club rassemble cinq membres – incluant le fondateur et son frère – et édite un petit fanzine intitulé Super-Héros Club, puis CSH/RV (pour Club des Super-Héros/RV). Le premier fascicule paraît en juin 1978. » (Viau, p. 268-269)

Chapitre 4 : À l’assault de la grande presse (1971-1979)

Dans ce chapitre consacré aux bandes dessinées paraissant dans les journaux québécois, nous assistons à quelques tentatives pour contrer les syndicates américains, dont la coopérative Les Petits Dessins, fondée par Jacques Hurtubiseet Gilles Desjardins en 1972 :

« Les Petits Dessins vend ses BD par lots de 3 mois, c’est-à-dire 72 bandes, et elle en garantit l’exclusivité pendant 6 mois. Toutefois, cette exclusivité s’exerce par région : Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Hull, Ottawa ou Moncton. Les tarifs varient selon le tirage du périodique acquéreur. […] Après la période d’exclusivité de six mois, la coopérative est libre de revendre les bandes à une autre publication de la région la moitié du tarif initial. » (Viau, p. 292)

Chapitre 5 : Sur les rayons (1970-1979)

Avec ce chapitre, Viau présente les albums de bande dessinée publiés dans les années 1970, que ce soit ceux de Dargaud Canada, ceux inspirés par les personnages d’émissions pour enfants (Le capitaine Bonhomme, Patof, Bobino, Nic et Pic) ou encore ceux puisant leur source dans le mouvement nationaliste (Bojoual, le Huron-Kébécois, Ti-Jean « le Québécois »). La parution d’albums permet également de rassembler différents travaux d’un même auteur, comme Guy Badeaux (Bado), avec son album Tout Bado… ou presque (1979) :

« Le recueil rassemble des caricatures, dessins d’humour et bandes dessinées réalisés par Bado au cours des cinq dernières années pour diverses publications : les journaux Le Devoir, Le Jour et La Presse, les magazines Nous, Graf iti, Baloune et Mainmise. On y lit notamment les premiers gags de ses deux intellectuels/piliers de bar apparus dans Nous et qui deviendront Les Gagas dans Croc. L’album reprend également une planche sur la Révolution tranquille produite pour l’anthologie The Someday Funies de Michel Choquette » (Viau, p. 373-375)

Chapitre 6 : La bande dessinée sort de ses cases (1968-1978)

L’engouement des Québécois pour la bande dessinée est tel qu’elle est non seulement publiée, mais aussi étudiée et diffusée sous différentes formes, que ce soit à la télévision, dans les festivals ou dans les musées. Un des ouvrages les plus importants de cette époque se nomme La bande dessinée kébécoise, dirigé par André Carpentier et publié en 1975, aux éditions de La Barre du jour :

« Souvent apppelé simplement La BDK, l’épais volume de plus de 270 pages constitue un numéro quadruple de la revue La Barre du jour. Au sommaire, on trouve des articles d’André Carpentier, Jacques Samson, Gilles Thibault, Georges Raby, Gleason Théberge et Richard Langlois. Ils esquissent un portrait de la bande dessinée québécoise : des origines de la BDQ au rôle de l’éditeur, en passant par l’étude des bandes dessinées publiées dans les quotidiens et la situation économique et sociale de la BD au Québec. On y retrouve également quelques textes analytiques du médium. » (Viau, p. 395)

En conclusion

BDQ. Tome 2. Le printemps de la bande dessinée québécoise : de 1968 à 1979 est un bel hommage à une époque marquante de la bande dessinée au Québec. Tout comme le premier tome, cet essai est rédigé avec un style accessible, qui s’appuie sur une recherche de qualité ainsi qu’une grande quantité d’images.

Cependant, même si je reconnais l’importance de figures telles que Pierre Fournier, Mario Malouin ou Henri Desclez, il est dommage de ne pas trouver une présentation d’une auteure marquante de l’époque. Je pense entre autres à Mira Falardeau, qui a débuté sa carrière dans les années 1970 et qui publiait de courtes bandes dessinées féministes dans Châtelaine (p. 307-308).

Néanmoins, ce livre demeure un incontournable, ne serait-ce que pour découvrir (ou redécouvrir) des personnages emblématiques comme Capitaine Kébec, Alexis le trotteur ou Le Sombre Vilain. J’ai bien hâte de lire le prochain tome, prévu pour 2023 et qui traitera de la période 1979 à 2000.

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