GeekQCon – Festival Draconis (2006-2009 et 2017-)

En parallèle des conventions plus classiques se déroulent toutes sortes d’autres événements pour les geeks et fans de tout acabit. De la même manière que les conventions furry dont nous avons parlé le mois dernier, d’autres conventions mettent en valeur dans un seul rassemblement une communauté qui ne profite que d’une petite place dans les événements plus traditionnels. C’est le cas du Festival Draconis, une convention axée spécifiquement sur les jeux de rôle sur table. Ce type de jeu a toujours une petite place dans les comiccons et autres rassemblements, mais l’intérêt semble assez important au Québec pour qu’il ait sa propre convention.

Le jeu de rôle en bref

Avant tout, nous décrirons brièvement le jeu de rôle sur table pour ceux qui ne connaissent pas ou peu ses règles particulières. Le jeu de rôle sur table remonte aux années 1970 avec la création de Donjons et Dragons. Dans ce type de jeu, le joueur incarne, dans une histoire, un personnage avec des caractéristiques qui déterminent ses qualités et faiblesses. Ces caractéristiques évoluent au fil de l’expérience acquise dans le jeu. Le scénario est dirigé par un maître de jeu dont le rôle est de raconter l’histoire de la partie et d’enclencher les différents événements que subissent les personnages. La plupart des jeux de rôle se jouent simplement avec des dés, des crayons et du papier, mais certains ont aussi quelques accessoires ou des cartes. Souvent marginalisé, le jeu de rôle a longtemps eu une connotation péjorative chez ceux qui n’y jouaient pas. Or, cette image négative tend à disparaître et ces jeux prennent de plus en plus leur place dans l’univers des jeux de table. Ils attirent de plus en plus l’attention de nouveaux joueurs, surtout grâce à Internet, qui a fait grandir les communautés. De plus, le nombre de jeux disponibles augmente et des créateurs québécois proposent aussi leurs propres systèmes de jeu.

Festival Draconis (Montréal)

Le but du Festival Draconis, selon ses organisateurs, est de faire connaître le jeu de rôle à Montréal en proposant une panoplie de jeux connus et moins connus. Cette convention a la particularité d’avoir connu deux naissances. Il a tout d’abord vu le jour en 2006, fondé par Christopher Hammock, Conan Purves et Stéphane Thériault, trois amis. La première édition s’appelait RoyalCon et en 2008, la convention prit définitivement le nom de Festival Draconis. La convention mettait en vedette les jeux de rôle, mais aussi les jeux de miniatures et de cartes à collectionner. La première édition, qui se tenait à l’hôtel Expresso (anciennement le Days Inn), attira 250 personnes, ce qui constitue un certain succès. La deuxième édition était plus axée sur un volet grandeur nature. Cette formule eut un grand succès, mais elle ne se renouvellera pas pour plusieurs raisons : l’organisation était plus complexe, plus chère et cela s’éloignait de la mission première de l’événement. L’édition de 2008 et 2009 se déroulèrent respectivement au centre Saint-Pierre, puis de nouveau au Days Inn. Au fil des quatre éditions, plusieurs personnes se sont ajoutées au trio de départ et l’événement connut toujours plus de succès année après année. Or, en raison d’un essoufflement de la direction et du départ d’un membre important, le Festival Draconis s’arrêta après 2009.

Le retour du festival s’est fait grâce à Montréal joue, un festival de culture du jeu tenant des événements gratuits un peu partout dans la métropole depuis 2013. En 2016, Stéphane Thériault se porte volontaire pour Montréal joue et s’aperçoit que l’événement ne propose aucune activité de jeu de rôle. Le festival était ouvert à accepter une proposition, mais ne trouvait personne pour s’en occuper. « J’ai parlé à mes amis et ils étaient intéressés à repartir ça », raconte Stéphane Thériault. La nouvelle mouture est bien différente de l’ancienne au niveau de l’organisation. En effet, les locaux sont fournis gratuitement par Montréal joue, qui s’occupe aussi de la publicité. Cette association présente un important avantage pour Draconis : « une des raisons pour laquelle on avait arrêté en 2009, c’est qu’il avait beaucoup de morceaux qu’il fallait gérer par rapport à l’argent. Il fallait louer des locaux, il fallait charger de l’argent aux gens, trouver des commanditaires, tout ça. Nous, on était plus axés sur le jeu, c’est ça qui nous intéressait et un moment donné on ne trouvait plus personne pour s’occuper de ces aspects-là et c’est pour ça que c’est tombé mort. » Comme Montréal joue s’occupe maintenant de tous ces côtés moins alléchants, les organisateurs du festival peuvent alors se concentrer sur ce qui les intéresse le plus : le jeu. De plus, comme tous les événements de Montréal joue, l’accès est gratuit. Depuis 2017, le festival a donc de nouveau lieu, cette fois-ci au Cégep du Vieux Montréal.

Une convention de jeu de rôle n’est pas construite exactement de la même manière qu’une convention plus traditionnelle. Le cœur de l’événement se compose de parties de différents jeux organisées par des maîtres de jeu. Les participants doivent, la plupart du temps, s’inscrire à l’avance, mais il est possible aussi de se joindre à certaines parties sur place. Il existe même un système de jeu « à la carte », où un groupe de personnes choisit un jeu parmi une sélection de jeux peu connus et ainsi faire une partie plus improvisée. Le festival propose aussi, entre autres, des conférences, des présentations, des classes de maître, une cafétéria et une vente de garage. Le festival présente aussi des « lives », soit des parties avec costumes où les joueurs entrent dans la peau de leur personnage. Stéphane Thériault insiste aussi sur l’importance de la présence des maîtres de jeu. En effet, ce sont eux qui proposent les scénarios et qui offrent de leur temps pour faire découvrir le jeu de rôle dans toute sa diversité. Comme ce rôle est essentiel dans toute partie de jeu de rôle, il va sans dire que sans eux, le festival devient impossible. Au fil des années, des affinités se sont créées avec les maîtres de jeu. « On se développe une communauté dans la région de Montréal, et même à l’extérieur, des gens qui sont là à chaque année qui offrent toute sorte d’activités », raconte Stéphane Thériault.

Évolution

Il est évident que les deux moutures de l’événement présentent quelques différences, puisqu’il y a près de 10 ans qui les séparent. Comme nous l’avons déjà vu, l’organisation a changé, mais la plus grande différence est la présence des médias sociaux. La visibilité est plus grande et c’est bien plus facile de rejoindre les gens partout dans la province. Il y a peu de publicité qui se fait pour l’événement en dehors des médias sociaux. La clientèle a aussi évolué. Au début, la convention a été créée pour « offrir une place pour trouver des joueurs, parce qu’un des problèmes que ces gens-là ont, souvent, c’est de trouver des parties, trouver des joueurs », explique Stéphane Thériault, bien que le grand public ait toujours été le bienvenu. Aujourd’hui, le public visé est beaucoup plus large. Stéphanie Gagnon, une des organisatrices du festival, résume simplement : « ça s’adresse pas mal à tout le monde qui serait intéressé à connaître le jeu de rôle », les habitués comme ceux qui en ont entendu parler et qui souhaitent essayer. Stéphane Thériault ajoute : « personne ne demande aux joueurs de connaître le système, d’amener leur personnage tout ça. C’est le maître de jeu qui va offrir une partie, va s’assurer de comprendre ça et d’amener ce qu’il faut aux gens. » La convention propose même des activités pour les familles et les enfants. Compte tenu du fait que les personnes qui vont jouer ensemble ne se connaissent souvent pas du tout, les maîtres de jeu volontaires sont avertis de créer des scénarios accessibles et d’avertir si certaines personnes pouvaient être choquées. Un système de « carte X » a été mis en place grâce auquel une personne inconfortable en raison du scénario n’a qu’à placer sa main sur une carte marquée d’un X placée sur la table pour indiquer au maître du jeu de modifier, de supprimer ou d’accélérer la scène. Ce sont des exemples d’éléments qui ont été amenés dans la convention pour rendre confortables les gens qui s’aventurent vers le jeu de rôle.

Le Festival Draconis accorde aussi une importance à l’arrivée d’une grande diversité dans le domaine du jeu de rôle. Comme l’explique Stéphanie Gagnon : « on essaie d’apporter un aspect découverte de jeu de rôle, donc ce n’est pas juste ceux dont on entend parler comme Donjons et Dragons ou Call of Cthulhu. On essaie aussi d’avoir des trucs qui sont beaucoup plus différents, même des jeux de rôle qui ont été créés par des Québécois. On essaie beaucoup de mettre l’accent là-dessus et d’intéresser les maîtres de jeu et les créateurs à présenter leurs jeux sur place. » En 2018, le festival présentait au moins 40 à 50 systèmes de jeu différents, ce qui démontre assez bien la diversité que ce divertissement connaît. Les jeux québécois sont aussi mis à l’honneur; sept avait été présentés en 2018. Les deux organisateurs interviewés décrivent avec enthousiasme cette nouveauté. Les thèmes sont aussi variés que la science-fiction, l’horreur, l’histoire, le cyberpunk, les légendes québécoises, Zelda, Sailor Moon, etc. Certains jeux proposent aussi de faire des enquêtes policières à la manière de la série télévisée CSI, mais dans des univers fantastiques comme Harry Potter ou Le Seigneur des Anneaux.

Le Festival Draconis est encore jeune dans sa nouvelle vie et va sûrement encore s’ajuster et évoluer dans les prochaines années, puisque les organisateurs ne voient pas l’expérience s’arrêter de sitôt. Dans leurs souhaits pour l’avenir, les organisateurs souhaiteraient qu’il y ait plus de femmes maîtres de jeu qui offrent des parties. Malgré la prédominance des conventions classiques qui s’adressent au plus grand nombre, force est de constater qu’il y a encore de place pour les événements plus nichés et qui s’adressent à une communauté précise de fans tout en faisant connaître leur passion au plus grand nombre.

La prochaine édition du Festival Draconis aura lieu du 28 février au 1er mars 2020.

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